Parmi les dix-huit candidats en lice dans l'élection présidentielle en Afghanistan, figure une femme. Massouda Jalal, pédiatre de 41 ans brigue, en effet, la magistrature suprême dans un pays où les femmes n'exercent pas leurs droits citoyens et où la transition avec les pratiques du régime taliban renversé n'est pas réellement faite. Regardée avec sympathie, la candidature de Massouda Jalal est d'abord un défi à un système qui relègue la femme afghane dans les antichambres verrouillées à double tour de la société. Toutefois,aucun observateur de la scène afghane ne se fait la moindre illusion sur les chances de Massouda Jalal de l'emporter dans un scrutin dominé par des hommes qui se trouvent être des seigneurs de la guerre, habitués à se faire entendre par la voix des armes. Il sera difficile à Massouda Jalal, même si elle peut espérer la solidarité de l'électorat féminin - évalué à 42% du corps électoral - infléchir les grands équilibres du pays articulés autour des appartenances claniques ou tribales et aussi sur l'influence traditionnelle de groupes ethniques tels que les Tadjiks, les Ouzbeks et les Harazans, qui négocient dans tous les cas de figure leur part du pouvoir. C'est contre les représentants de tous ces groupes à l'élection présidentielle que Massouda Jalal se présente, mais en fait, elle le fait contre Hamid Karzai et donc contre les Américains, qui seront très satisfaits de voir le président sortant sortir vainqueur de la consultation. Karzai, incontestable favori de l'épreuve, tire bénéfice de la candidature qui assure une façade démocratique à l'élection présidentielle. Ce qui installe Massouda Jalal dans un statut de « candidate alibi » dont l'engagement sert d'abord à entretenir l'illusion d'un changement. Massouda Jalal pourrait ne pas être de cet avis, elle qui s'est ouvertement insurgée contre le pouvoir mis en place à Kaboul après la chute des talibans et qui a contesté le choix de Karzaï comme président. Reste que Massouda Jalal est mise en minorité par cette conjonction de forces hostiles à la femme dans un Afghanistan toujours sous l'emprise de multiples féodalités qui se partagent les zones d'influence et de profits, le changement essentiel aujourd'hui, étant que rien ne se fait dans ce pays sans la bénédiction américaine. Si elle est regardée comme une femme de tête, dont le franc-parler n'occulte aucun thème, Massouda Jalal, n'a pour autant que peu de chances de triompher dans un scrutin manifestement joué d'avance. Sa candidature est un pas significatif en tant que tel dans la longue marche de l'émancipation de la femme en Afghanistan.