Assurance Massouda Jalal agite le poing. Son visage rond ceint d?un voile bleu ciel est déterminé. «Je suis sûre de gagner !», affirme-t-elle, à l'encontre de tous les pronostics. Dans un pays où de nombreuses femmes ont, par crainte, renoncé à s'inscrire sur les registres électoraux mis en place pour le scrutin du 9 octobre, Massouda Jalal fait presque figure d'extraterrestre. Lorsqu'elle reçoit chez elle, dans un immeuble construit du temps de l'occupation soviétique, son époux ouvre la porte, invitant le visiteur à patienter dans un salon aux fauteuils de velours rouge : l'éminent professeur en philosophie de l'université de Kaboul gère l'emploi du temps de son épouse comme un parfait secrétaire. Certains lui opposent des arguments «religieux», explique cette musulmane de 41 ans, mais «je leur explique qu'il existe une interprétation du Coran en vertu de laquelle une femme peut être une dirigeante». Mère de trois enfants, médecin pédiatre, responsable au Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies à l'époque du régime des taliban, elle vient d'une famille «très cultivée» soudée autour d'elle, dit-elle dans un anglais parfait. Pourquoi s'être lancée en politique ? «Mes patients m'ont demandé d'être leur déléguée à la Loya Jirga», la grande assemblée tribale chargée en juin 2002 d'élire le président intérimaire. «Je n'y avais pas pensé. Je n'avais jamais été politiquement impliquée». Elle est alors élue avec quelque 200 femmes au sein de ce «Grand Conseil». Ensuite, elle défie Hamid Karzaï, donné favori, en se présentant elle-même comme candidate à la présidence intérimaire. La seule crainte de son mari : qu'elle «n'obtienne que quatre voix» et «couvre de honte la famille». «Si c'est le cas, je ferai un discours dénonçant cette société dominée par les hommes», lui avait-elle répondu. Le poste de Premier ministre, offert alors par Hamid Karzaï pour l'inciter, selon elle, à renoncer, ne l'a pas convaincue : «Les femmes d'Afghanistan préféraient que je le défie.» Arrivée en deuxième position avec 171 voix, elle dénonce depuis les chefs de guerre au pouvoir en coulisses qui ont, selon elle, imposé Hamid Karzaï, l'arme au poing, pendant la Loya Jirga. Ses atouts ? «Les gens savent que Massouda Jalal n'a jamais été impliquée dans les combats qui ont laminé le pays pendant 23 ans.» «Elle sera une mère», pour ce pays. Elle mettra en place «un gouvernement fort», qui lutte «contre la corruption», la «discrimination» entre ethnies et sexes, les mariages forcés, les chefs de guerre, la «vente» du pays à l'étranger.