Quand le pouvoir se convaincra que le danger se situe aux frontières et non au sein de la société, le pays aura fait un pas vers l'ouverture politique. Les médecins résidents, à travers leur action réussie hier à Alger, ont, en fait, tendu une perche aux autorités pour les aider à dépasser ces blocages anachroniques qui empêchent toute évolution dans le sens des libertés consacrées par la Loi fondamentale. Ils ont démontré que l'interdiction des marches dans la capitale dans le but proclamé de «protéger les biens et les personnes» est l'une des mystifications dont le pays ne peut plus s'accommoder dans un monde marqué par une dynamique de liberté d'expression et de manifestation, parfois de révolution, accélérée par le développement des technologies de l'information et de la communication. Au moment où des organisations politiques vivent une crise existentielle, appelées à opérer de profondes mutations pour se mettre au diapason des mouvements sociaux, ce sont des collectifs syndicaux, résolument autonomes, qui mènent des luttes susceptibles de bousculer l'ordre établi et d'agir sur le cours des événements. Et l'on voit naturellement émerger des personnalités, jeunes et déjà aguerries, montrant des aptitudes à faire face aux défis futurs, évacuant la crainte d'un déficit générationnel qui empêcherait de suppléer un régime arrivé à son terme. La médiocrité du système éducatif n'a pas tout déconstruit au sein d'une société qui est en train d'afficher ses nouvelles élites capables de tenir un discours vigoureux et rationnel devant les médias, l'opinion et le gouvernement. Les différents responsables, qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé, montrent une pâle figure devant ces jeunes médecins qui administrent une leçon de combativité et d'espérance aux dirigeants et à tous les segments de la société. Les futures équipes dirigeantes se recruteront dans les luttes sociales présentes, que celles-ci finissent par la satisfaction des revendications ou par un retour aux dures réalités induites par la crise économique. L'intelligence développée par les médecins résidents dans leur mobilisation et leurs actions les amènera, dans le cadre des discussions avec les autorités, à prendre en compte tous les éléments du dossier et du secteur. La protection de leur statut qui n'est pas usurpé, la garantie de bonnes conditions de travail pour les praticiens, mais aussi l'intérêt des malades dans les zones reculées où la présence médicale humaine compte plus que la disponibilité des moyens matériels, à propos desquels les autorités n'ont que des promesses sans lendemain. La solution à la crise qui touche le secteur de la santé va nécessairement s'adapter aux réalités sociales et économiques du pays. Mais une victoire a d'ores et déjà été enregistrée par le mouvement de protestation en cours en redonnant un souffle à une vie nationale plombée par l'impasse politique et institutionnelle. Le pouvoir, qui lie le maintien de la stabilité interne à la participation aux colloques internationaux sur la sécurité, serait mieux inspiré de lever le régime de résidence surveillée qui étouffe la société. Celle-ci sera encore une fois en première ligne de défense dans le cas d'une nouvelle menace provenant d'autres latitudes.