La journée d'étude sur les conflits individuels et le rôle des bureaux de conciliation organisée en début de semaine à Ouargla ont permis de mettre l'accent sur les insuffisances de la loi 90/04 du 06/02/1990. Il s'agit d'une loi qui date de 16 ans et qui n'est plus au diapason avec les profondes mutations du monde du travail, noteront les différents intervenants, y compris l'inspecteur régional du travail et le président de la cour de Ouargla. Et c'est pour cette raison que la rencontre qui a vu la participation record d'une cinquantaine de chefs et membres des bureaux de conciliation de la wilaya, les représentants des entreprises étatiques et privées ainsi que quelques magistrats est venue à point nommé pour débattre d'un sujet d'actualité. Ceci est d'autant plus valable que les statistiques présentées par l'inspection du travail de la wilaya de Ouargla font ressortir la prévalence des conflits individuels non résolus au niveau des différentes zones d'activités de la wilaya et particulièrement celle de Hassi Messaoud. Durant le seul premier semestre de l'année en cours, 827 requêtes ont été étudiées par les bureaux de conciliation de Ouargla et Hassi Messaoud. La donne est significative mais prend plus de signification si on lui ajoute deux pourcentages : 70% des requêtes concernent les contrats de travail, lesquels sont à durée déterminée alors que les postes occupés sont de nature permanente, et 79% des requêtes prises en charge ont abouti à des procès-verbaux de non conciliation. C'est dire que les bureaux de conciliation sont devenus des bureaux de non conciliation de par leurs résultats, ce qui fera dire à un intervenant de Touggourt très remonté que « le rôle de ces bureaux ne pourra être effectif que le jour où 50% des requêtes seront résolues ». La loi bafouée Ce qui est logique, sachant que le recours aux contrats à durée déterminée qui est normalement une exception est devenue la règle sans que l'instance chargée de faire respecter le code du travail ne puisse intervenir en faveur du travailleur en temps voulu. Etant donné la situation économique du pays et le manque de postes de travail, ce même travailleur est bien obligé d'accepter sans broncher ce que l'employeur veut bien lui offrir lors de la signature du contrat. Le président de la cour précisera bien que si un employé de la place faisait un recours à la justice pour la rectification de son contrat à durée déterminée en durée indéterminée, les employeurs se feraient un honneur de respecter la loi. Hélas, il s'avère que les lois de la République, même obsolètes, sont plus bafouées par les entreprises nationales que par celles étrangères de droit algérien. Une fois de plus, les chiffres de l'inspection du travail viennent corroborer cette analyse en présentant un histogramme on ne peut plus clair de la répartition des conflits de travail par secteur juridique. Ainsi, toujours sur les 827 conflits précédemment cités, 550 sont localisés dans les entreprises nationales à égalité entre le secteur privé et public contre 277 dans le secteur privé étranger. On notera également que le bureau de conciliation de Hassi Messaoud accapare les 3/4 des conflits individuels enregistrés et donc le plus grand volume d'activité de la wilaya, ceci dans l'attente de découvrir les résultats du bureau de Touggourt installé il y a à peine deux mois. Dans ce climat général d'irrespect des lois, le débat fera ressortir que 97% des employeurs n'examinent pas les recours des travailleurs qui se retrouvent ainsi obligés de passer à la vitesse supérieure, à savoir l'inspection du travail et inévitablement la justice. Pis encore, lors de la tenue des séances de conciliation, les employeurs sont souvent absents et envoient, le cas échéant, des personnes sans pouvoir de décision. Litiges portés devant la justice Si bien que les travailleurs en situation litigieuse à Hassi Messaoud ont la particularité de se faire représenter systématiquement par des avocats d'une part parce que leurs conflits aboutissent devant le tribunal et d'autre part parce que leur système de rotation ne leur permet pas d'être présents lors des différentes séances du bureau de conciliation tenues exclusivement chaque semaine à Hassi Messaoud vu le nombre important de requêtes. Cette particularité de la capitale du pétrole et du gisement national de l'emploi pose un point de droit vu l'obligation pour le travailleur de se présenter en personne au bureau de conciliation. L'autre point important est le refus de réintégration ou d'indemnisation du travailleur licencié porteur d'un jugement de réintégration. Le retard dans l'exécution des jugements rendus par la justice et les tergiversations par rapport aux indemnisations, conjugués à la restriction du rôle de l'inspecteur du travail, sont autant de volets qui confortent la situation négative des travailleurs en conflits individuels avec leurs employeurs.