La France envisage d'augmenter le nombre de visas de circulation pour les Algériens avec ce souhait que la réciprocité soit respectée. Le nouvel ambassadeur de France, Bernard Bajolet, qui a reçu des représentants de la presse hier à la résidence des Oliviers à Alger, a annoncé sa volonté de « rapatrier » le traitement du dossier des visas. Actuellement, 80% de ces dossiers sont toujours étudiés à Nantes. Il a fixé un délai : mai 2007. La liste d'attention positive, qui contient les noms de personnalités pouvant avoir des visas plus facilement, sera élargie à tous ceux qui « contribuent à renforcer les relations entre la France et l'Algérie ». En ce sens que le nombre de visas Schengen de deux ans sera revu à la hausse pour cette catégorie de personnes. On peut faire plus si la réciprocité est appliquée par l'Algérie. Des hommes d'affaires français se sont plaints des difficultés à avoir le visa de circulation algérien auprès des consulats », a-t-il dit. Il s'est félicité de la suppression de la procédure de consultation par l'Union européenne, « en dépit de la réticence de certains Etats membres ». Pour risque sécuritaire, cette procédure avait été introduite en 1995 à la demande de Paris après le détournement d'un airbus d'Air France par un commando armé à l'aéroport international d'Alger. Bernard Bajolet a souhaité la réouverture du consulat de France à Oran en septembre 2007 afin d'éviter aux demandeurs de visas de l'ouest du pays le déplacement à la capitale. « Mais, on me dit que l'entreprise a pris du retard dans les travaux », s'est-il plaint. Pour l'augmentation des frais de visa, passés de 35 à 60 euros, à partir de janvier 2007, le diplomate a précisé que la décision relève du Conseil de l'Europe pas de la France. « Nous avions hésité avant d'annoncer la mesure. Mais nous devions le faire parce que nous délivrons 80% des visas Schengen en Algérie », a-t-il avoué. Il a annoncé « la réactivation » du groupe mixte chargé des affaires consulaires, qui ne s'est pas réuni depuis deux ans, et dont la création est prévue dans la Déclaration d'Alger de 2003, élaborée après la visite de Jacques Chirac. Satisfait du volume des investissements français en Algérie, « les plus importants hors hdyrocarbures », l'ambassadeur s'est dit peu convaincu par l'idée que les entreprises françaises étaient frileuses. Il a parlé de certaines difficultés rencontrées par les investisseurs intéressés par le marché algérien. Difficultés ? Système financier peu performant, législation fiscale à réformer et ambiguïté autour de la propriété intellectuelle (pour les producteurs de médicaments, notamment). Selon Bernard Bajolet, l'accompagnement scolaire des enfants des investisseurs souhaitant s'installer en Algérie pose problème. Autant que la persistance de réflexes hérités de l'époque du dirigisme économique. Il a annoncé l'organisation, le 19 décembre à Paris, d'un forum sur la promotion des investissements français en Algérie, à l'initiative du ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste Blazy. Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, et Christine Lagarde, ministre déléguée au Commerce extérieur, seront présents à cette rencontre. Le traité d'amitié, aux yeux de l'ambassadeur, est toujours à l'ordre du jour. Il sera, selon lui, le couronnement d'une reconstruction des relations entre les deux pays. Ce traité devait être signé en 2005. La polémique suscitée par la loi du 23 février 2005 sur les aspects positifs de la colonisation semble avoir ajourné la signature. Cette loi, amendée depuis, est, pour Bernard Bajolet, un raté. Reste que, selon lui, la question de la mémoire ne doit pas concerner uniquement les politiques mais les sociétés des deux pays. Alger exige officiellement de la France de demander pardon pour les crimes coloniaux. Le diplomate a averti qu'à l'approche des élections présidentielles, prévues en 2007, aucune décision majeure ne sera prise par rapport à ce dossier. La coopération en matière de défense s'améliore. « J'ai reçu, depuis mon arrivée le 21 novembre dernier, deux délégations de la marine et de l'armée de terre françaises qui ont été bien accueillies à Alger », a-t-il déclaré. La France est, d'après l'ambassadeur, disponible à recevoir toute proposition algérienne, y compris la vente d'armes. Sans le dire, le diplomate a suggéré qu'il n'existe pas de demandes pour l'instant. « L'Algérie a fait un choix que nous respectons », a-t-il dit en allusion au contrat d'armement établi avec la Russie (7,5 milliards de dollars). Interrogé sur « l'équilibre » régional après la vente prévue au Maroc d'avions de combat Rafale, Bernard Bajolet a expliqué en termes prudents que ce n'est pas là la logique de la France qui aspire à vendre ses produits (le Rafale s'écoule difficilement sur le marché mondial). « Il n'y a pas d'embargo sur les armes. Dans un passé lointain, il y avait des réticences », a-t-il indiqué. Le rapport d'enquête sur la chute du Mirage F1 français, le 6 décembre 2006, dans la région de Oum El Bouaghi, n'est, selon lui, pas encore prêt. « Je ne peux donc rien dire. Nous avions apprécié la réaction professionnelle des autorités algériennes mais aussi celle de la population locale qui a pris en charge le pilote blessé », a souligné le diplomate. Il a précisé qu'il n'existe pas de convention-cadre sur le survol du territoire (le Mirage a pris départ du Tchad). « Les autorisations sont accordées au cas par cas », a-t-il affirmé. Il ne faut pas, selon lui, exagérer l'impact du dernier attentat de Bouchaoui (ouest d'Alger) qui a ciblé un bus d'employés de l'entreprise américaine BRC. « Je viens de Baghdad et je sais de quoi je parle », a-t-il appuyé (Bernard Bajolet était ambassadeur en Irak). Evoquant l'université « franco-algérienne », il a annoncé l'ouverture dans les prochains mois de l'Institut supérieur de technologie et de l'Ecole des hautes études médicales. Ces deux structures viennent s'ajouter à l'Ecole supérieure des affaires, déjà opérationnelle. Bernard Bajolet, qui a servi en tant que premier secrétaire à l'ambassade à Alger en 1975, a relevé que lorsqu'il était ici, les deux tiers des Algériens n'étaient pas encore nés. D'où la nécessité de s'adapter aux aspirations de cette génération à tous les niveaux. A l'aise en arabe, l'ambassadeur a confié être émerveillé par le niveau de pratique de la langue française en Algérie. Outre l'Irak, Bernard Bajolet, 57 ans, a également été en poste en Jordanie et en Bosnie.