« J'ai été très heureux de pouvoir apporter mon témoignage dans cette affaire où j'ai été victime pendant de longs mois de calomnie et de mensonges », a déclaré le Premier ministre Dominique de Villepin, à l'issue de 17 heures d'audition par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons dans l'affaire des listings falsifiés de la société Clearstream. Arrivé à 9h, jeudi, rue des Italiens, au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, le Premier ministre est sorti du bureau des juges vers 3 h, vendredi. C'est en qualité de simple témoin que Dominique de Villepin était interrogé hier dans une affaire de « dénonciation calomnieuse », dont il se dit « victime ». De source proche du dossier, on indiquait que les deux magistrats instructeurs avaient préparé plus d'une centaine de questions. Les juges d'Huy et Pons doivent déterminer si Dominique de Villepin a eu ou non un rôle pénalement répréhensible dans l'affaire politico-judiciaire Clearstream. Un changement de statut vers celui de « témoin assisté » ou mis en examen n'est pas techniquement exclu d'ici à la fin de l'enquête qui a commencé en 2004. Les juges enquêtent sur la manipulation menée avec de faux listings de comptes bancaires occultes de la société luxembourgeoise Clearstream, qui compromettaient des centaines de personnalités, dont Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Chevènement, Alain Madelin et Dominique Strauss-Kahn. Dans des courriers envoyés anonymement à la justice en 2004, l'actuel ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy partie civile dans ce dossier était désigné comme bénéficiaire de pots-de-vin lors de la vente de frégates de Taiwan en 1991 via l'organisme luxembourgeois Clearstream. Les listings bancaires se sont avérés truqués. Selon l'accusation, ces fausses listes ont été fabriquées en 2003 par Imad Lahoud, alors cadre d'EADS, à partir de documents authentiques dérobés chez Clearstream par un consultant, Florian Bourges, et transmis à un journaliste, Denis Robert. Seules quatre personnes sont poursuivies : Jean-Louis Gergorin, ancien vice-président d'EADS, qui a reconnu la paternité de l'envoi anonyme de listings bancaires accusant faussement des personnalités de détention d'un compte off-shore au juge Van Ruymbeke, Imad Lahoud, suspecté d'être le falsificateur des listings, Florian Bourges, l'informaticien qui aurait dérobé les documents de Clearstream et le journaliste Denis Robert qui les aurait recelés. Le chef du gouvernement nie avoir eu en mains les fausses listes et les avoir utilisées pour une opération de déstabilisation politique de ses rivaux. Philippe Camus, ancien dirigeant d'EADS, a expliqué aux juges que Jean-Louis Gergorin lui avait affirmé dans un message téléphonique avoir remis ces documents à Dominique de Villepin, écrit Le Monde de vendredi. C'est la seconde fois sous la Ve République qu'un Premier ministre est entendu comme témoin par un juge, après Lionel Jospin en 2001, dans une affaire de financement du PS.