Le commerce informel du bétail est estimé à près de 1.800.000 têtes clandestinement exportées d'Algérie vers les deux pays voisins. Ces flux, bien qu'informels, sont partiellement régulés par un renforcement ou relâchement des contrôles douaniers aux frontières. La contrebande du bétail algérien aux frontières tend à prendre de l'ampleur. Le phénomène est tel que les prix du bétail algérien fluctuent souvent avec la demande tunisienne. Dans l'étude intitulée “Les obstacles aux transferts technologiques dans les petites et moyennes exploitations agricoles des zones arides et semi-arides du Maghreb” financée par la commission européenne, le réseau Femise a consacré un grand chapitre à ce phénomène. Le marché tunisien s'avère être, selon cette étude, le meilleur débouché pour les vendeurs des wilayas frontalières. Les éleveurs tunisiens achètent généralement les agneaux algériens au cours du printemps et l'été pour des prix variant entre 20.000 et 25.000 DA (200-280 US$). Pour limiter le trafic clandestin d'animaux vers la Tunisie, la wilaya de Tébessa a décidé de sévir. Un arrêté a ainsi été instauré réglementant le transport des animaux à trois ovins à la fois dans la zone frontalière. Les éleveurs qui voudront transporter plus d'animaux devront obtenir une autorisation des douanes locales. Passés maîtres de la débrouillardise, beaucoup d'éleveurs algériens ont trouvé le moyen de contourner ces réglementations. Leur plan consiste à vendre les animaux déclarés à la douane, ils les renouvellent sur le même marché et les déclarent par la suite comme animaux invendus. Ils peuvent même déclarer un certain nombre d'animaux qu'ils ne déplacent même pas au souk et achètent le même nombre d'animaux les faisant passer pour les premiers déclarés. Ces animaux déclarés en double sont par la suite placés au niveau des frontières. Dans certains cas, les acheteurs tunisiens se déplacent sur les marchés de la région, accompagnés d'associés algériens qui achètent et transportent la marchandise en utilisant leur nom. Dans ce cas de figure, l'acheteur tunisien se déplace juste pour choisir sa marchandise, qui lui sera acheminée par son associé. Au moment où se fait la commande d'animaux de la part des Tunisiens, leurs associés algériens se rapprochent des éleveurs et achètent les animaux. Le transport se fait soit en tranches de 3 animaux par voyage comme le stipule l'arrêté de wilaya, ou bien avec l'autorisation délivrée par la douane à un éleveur-maquignon qui prétend aller acheter des animaux pour les revendre tout de suite. A cet effet, les animaux sont regroupés dans un site proche des frontières. Ils traverseront les frontières de nuit et à pied pour rejoindre les bergeries tunisiennes. Dans la région de Sidi Fredj (Souk Ahras), le flux transfrontalier ne concerne que l'agneau de 6 mois alors qu'un peu plus au Sud, à Tébessa (Elma Labiod), il couvre aussi les jeunes brebis. Cette différence est tributaire de la destination des animaux. Ceux destinés au Sud tunisien (agneaux et brebis) servent au renouvellement annuel des troupeaux alors que les agneaux des zones du Nord sont destinés à l'engraissement rapide et à l'abattage. Toutes les villes tunisiennes frontalières, affirment les rédacteurs de l'étude, élèvent en grande majorité l'ovin algérien. Pour assurer la vente de leurs animaux, les vendeurs algériens cèdent généralement leurs moutons aux Tunisiens à crédit. Les crédits peuvent atteindre des montants de l'ordre de 2 millions DA. Cette somme nous renseigne sur l'importance du nombre d'animaux concernés par les flux transfrontaliers. L'argent est généralement remboursé après la vente des animaux sur les marchés tunisiens. Cette forme de transaction semble intéressante car, dans la plupart des cas, les vendeurs sont payés en euros, ce qui leur permet de majorer leur bénéfice. Les éleveurs algériens ont ainsi trouvé un marché juteux auquel ils ne sont pas prêts à renoncer.