Les pêcheurs de Annaba n'ont pas suivi le mot d'ordre de grève nationale illimitée comme l'ont fait leurs camarades du Centre et de l'Ouest du pays. Ils n'avaient pas à le faire puisqu'ils s'étaient déjà mis hors activités depuis plusieurs jours. Pour les armateurs, cette inactivité est traditionnelle. Elle intervient toujours au lendemain de la fête de l'Aïd. « Mer belle à peu agitée » ou pas, les embarcations restent à quai en pareille période. Cela permettait aux marins pêcheurs de, pour quelques dinars de plus, s'occuper des mailles des filets défectueux, discuter aussi de cette grève des autres façades maritimes du pays et de la révolte des pêcheurs, des artisans, des matelots qui ont bien du mal à se faire entendre. Ce sont les éternels oubliés. Leur statut n'est guère généreux. Ils n'en ont pas officiellement, mais armateurs et patrons pêcheurs admettent que ces pêcheurs, artisans et matelots peuvent ruer dans les brancards une fois tous les 20 ans. Ceux qui embarquent sur les chalutiers, sardiniers et tout autre moyen de pêche en haute mer comme les rares thoniers sont un peu mieux lotis. Ils bénéficient d'une convention tacite qui leur assure un petit salaire saisonnier. Les pêcheurs, qui travaillent dans les petits métiers, n'ont pratiquement rien, y compris les électromécaniciens. Les premiers comme les seconds louent leurs services pour des journées entières. Ils lèvent l'ancre tôt le matin pour ne rentrer que tard le soir après 18 heures de travail/jour ou 140 heures/semaine. Aucun ne peut prétendre à un contrat de travail en bonne et due forme. C'est à prendre ou à laisser, car les candidats à l'embarquement en contrepartie d'un quota de poissons proportionnel à la quantité pêchée sont nombreux. Ces pêcheurs ne peuvent même pas prétendre à une couverture sociale et encore moins au bénéfice de l'allocation chômage. Lorsqu'ils disparaissent en mer ou meurent sur les lieux-même de leur travail, exception faite d'un brevet ou d'un diplôme décroché après maintes péripéties à l'Ecole de formation de pêche, ils ne laissent nulle trace administrative ou sociale. La nouvelle réglementation du ministère de la Pêche a abordé l'ensemble des aspects liés au développement de la pêche, à la protection et à la préservation de nos ressources halieutiques. Elle ne dit par contre rien sur le statut du matelot. Une réglementation qui intervient au moment même où les armateurs et patrons de pêche insistent sur la lourdeur de leurs charges et les marins pêcheurs de leur statut.