Né le 7 mars 1917 dans l'ancienne commune mixte de Sidi Aïssa qui relevait, successivement, du département d'Alger et de la wilaya de Médéa et se trouve aujourd'hui rattachée à la wilaya de M'sila, Mostefa Lacheraf a fait une partie de ses études secondaires dans les deux lycées de Ben Aknoun et d'Alger entre 1930 et 1934 le reste de ses études secondaires puis supérieures à la médersa Tha'âlibiyya et à l'Université de la Sorbonne à Paris. Ayant adhéré au PPA (Parti du peuple algérien) en 1939, il développe une grande activité de publiciste — ou écrivain politique — en collaborant à la presse clandestine du PPA-MTLD et en assumant plus tard le secrétariat parlementaire du groupe des députés MTLD en 1946-1947, et des responsables au sein du comité fédéral de ce parti parmi l'émigration algérienne en France, étudiants et ouvriers confondus. Ayant rejoint le FLN du temps de guerre dès sa création, Mostefa Lacheraf milite dans le secteur des contacts, des missions politiques et dans celui de la propagande, de l'information et de l'élaboration doctrinale du mouvement de l'indépendance anticolonialiste. Arrêté lors du détournement, par les autorités et l'armée françaises, de l'avion qui transportait, de Rabat à Tunis, la délégation du FLN en compagnie de laquelle il effectuait le vol (22 octobre 1956), il est incarcéré avec les membres dirigeants de cette délégation dans diverses prisons et en forteresse. Elargi au moment des premières négociations d'Evian, fin 1961, pour raison de santé, il est aussitôt mis en résidence hautement surveillée dans une clinique, puis à l'hôtel. Il parvient à sortir clandestinement de France avec l'aide de l'organisation appropriée du FLN-ALN et des réseaux de soutien à la cause algérienne et à rejoindre Le Caire et Tunis. Pendant sa captivité, Mostefa Lacheraf avait été nommé membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) et c'est devant cette instance qu'en juin 1962 il fut chargé de présenter et de défendre le programme de Tripoli à l'élaboration duquel il avait participé un mois auparavant à Hammamet (Tunisie). Ambassadeur de carrière à partir de 1966, Mostefa Lacheraf est nommé en 1977 ministre de l'Education nationale dans le dernier gouvernement du président Boumediène, après avoir collaboré à la rédaction de la Charte nationale de 1975-1976. Revenu à ses fonctions diplomatiques en septembre 1979 en Amérique du Sud et à l'Unesco, il prend finalement sa retraite en 1986 et ne l'interrompt pour un temps que lorsqu'il est désigné en 1992, en qualité de membre de Conseil consultatif national, par le président Boudiaf. Mostefa Lacheraf est l'auteur d'une œuvre particulièrement dense et se signale encore, malgré son âge avancé, dans les colonnes de la presse nationale par des études et des prises de position liées à la situation actuelle en Algérie. De plus, il a collaboré dans les années 1940 et 1950 aux deux revues de langue arabe : Al Mabahith de Bachrouch et Messaâdi et Al Fikr de Med Mzali, paraissant à Tunis et traitant de littérature et d'histoire. Quant au présent ouvrage, il a été écrit entre le mois d'août 1993 et le mois de janvier 1995, à un moment où une tourmente meurtrière de saccage et de cruelle subversion sans précédent dans la longue histoire de l'Algérie et du Maghreb était sur le point d'emporter impunément notre pays. L'auteur tenait alors à préserver la mémoire collective du peuple algérien d'un oubli suicidaire et à tenter de sauver, pour les générations montantes — en dehors de tout héroïsme tapageur —, l'essentiel des valeurs actives qui constituent le fondement de l'algérianité culturelle et politique. Comme il l'écrit lui-même (cf p.3) : « Certains souvenirs peuvent confiner à une sorte d'autobiographie alors qu'ils constituent plutôt les jalons dans un itinéraire propre à tout citoyen algérien (...) dont l'environnement humain, les acquis familiaux ou collectifs paysans, puis le nationalisme anticolonial naissant sur un fond d'antécédents traditionnels de lutte et de résistance furent un véritable révélateur au double plan de la conscience historique et de l'identité culturelle à l'état brut ou semi-élaboré. » Œuvre d'un homme qui rejette l'approximation quitte à paraître verser dans un excès d'érudition, ce livre contient une matière d'une densité remarquable, fruit d'un vécu très riche mais aussi d'un prodigieux effort de documentation. Il recèle une somme impressionnante d'informations couvrant des disciplines aussi diverses que l'histoire, l'anthropologie, la sociologie, la linguistique, la toponymie, l'onomastique, etc. Ce livre est une contribution majeure à la connaissance de l'Algérie.