« Il fallait 75 milliards de dinars pour mettre en conformité la banque », a déclaré hier au procès Khalifa, Mohamed Djellab, administrateur provisoire de l'établissement dissous. Actuellement PDG du CPA, Mohamed Djellab, convoqué en tant que témoin, à titre d'administrateur provisoire d'El Khalifa Bank, a surpris l'assistance avec le constat qu'il a établi en trois mois de contrôle. Entre les mois de mars et de mai 2003. A l'époque, il était DGA au CPA et avait été désigné par la commission bancaire. « C'était une situation alarmante au point où la question de la régularisation des 11 EES était devenue un tout petit détail », dit-il. Il explique qu'il a été désigné pour faire le constat et redresser la situation d'El Khalifa Bank vu qu'il n'y avait pas de dirigeants. « Il n'y avait pas de procès-verbaux de l'assemblée générale du conseil d'administration, pas de reporting, pièces comptables non fiables, un semblant d'organigramme », a-t-il dit hier lors du sixième jour du procès Khalifa au tribunal de Blida. Il a ajouté : « J'ai commencé alors à m'intéresser aux filiales, plutôt des sociétés apparentées, pour remonter à la création de la banque. Il y avait des défaillances à tous les niveaux. » Sur la question de la caisse principale, il affirme qu'il n'y a pas eu de versement d'excédent de trésorerie vers le compte de Khalifa au niveau de la Banque d'Algérie et dont le montant était de 4 milliards de dinars. Il précise que les cadres qu'il a trouvés sur place l'ont aidé à remonter à l'historique et à trouver quelques pièces comptables pour pouvoir établir la situation, en reconnaissant que c'était une mission très complexe et difficile. « Grâce aux inspections, j'ai pu situer ces défaillances et les montants des excédents. J'ai créé une commission d'audition de tous les cadres qui étaient présents et leur ai fait signer ce qu'ils ont reconnu comme de graves défaillances, y compris en apposant leurs empreintes digitales. » Il déclare qu'il ne pourrait y avoir un mouvement de comptes sans justificatifs, ce qui est interdit. « L'essentiel n'est pas dans l'artifice comptable, mais dans la justification. » Sur la question de savoir si Nekkache, DGA de la compatibilité, l'a informé des 11 EES, M. Djellab affirme que cela représente un détail insignifiant pour lui, vu l'ampleur de la situation. « Pour moi, il fallait aller dans le fond, vers les autres chapitres et les comptes d'ordre qui avaient couvert des engagements des sociétés apparentées et des dépenses injustifiées. » Il relève que la banque n'avait pas de bilans ni de certification des comptes de 2000 jusqu'en 2003, avec un bilan controversé de l'année 1999 et une documentation comptable non fiable. La juge lui demande si la gestion d'une banque publique diffère de celle d'une banque privée. « Elles obéissent à la même réglementation. L'actionnariat est privé, mais pas la gestion et les fonds. » Il affirme que les trois inspections ont révélé un déficit de 3 milliards de dinars. « Devant cette situation, il fallait soit redresser la situation et remettre la banque sur les rails, soit procéder à sa liquidation. Le scénario du redressement était trop lourd vu que les besoins de la recapitalisation étaient de l'ordre de 75 milliards de dinars. J'ai convoqué les actionnaires, Omar Guellimi, l'épouse de Moumen et son frère, pour leur demander s'ils avaient la possibilité de reconstituer les fonds propres. Ils n'ont pas accepté. Pour rendre El Khalifa Bank conforme à la loi, il fallait trouver comme point de départ 75 milliards de dinars. Lorsque je suis arrivé sur les lieux, je n'ai trouvé dans les caisses de Khalifa que 20 milliards de dinars. » Djellab révèle aussi avoir constaté des engagements cachés des transactions entre El Khalifa Bank et ses sociétés apparentées, logés dans les comptes d'ordre, qui ne faisaient pas ressortir les bénéficiaires. « Une façon de maquiller la situation », conclut-il. Selon lui, l'argent sortait sans écriture, ajoutant que les crédits cachés ont atteint 10 milliards de dinars, alors que sur les 80 milliards de dinars d'engagements cachés, 60 milliards de dinars relèvent des sociétés apparentées. « Il y avait un grave problème de dysfonctionnement », déclare-t-il sans pouvoir situer les responsabilités. « La situation physique ne reflétait pas le réel. Les règles prudentielles de solvabilité n'ont pas été respectées. Il y avait une confusion dans les responsabilités des dirigeants. » Il explique que dans la règle, lorsqu'un compte d'ordre dépasse 5% du bilan, c'est l'alarme. « Or, le compte d'ordre que nous avons trouvé représentait 97% du bilan. »