Souvent qualifié de rendez-vous mondain, le forum économique de Davos aura dérogé à la règle cette année, en permettant au gré de ses soirées hivernales à une vingtaine de ministres du Commerce de remonter l'horloge de l'OMC, grippée depuis juillet 2006. Les heures du cycle de Doha s'égrènent ainsi librement à nouveau en attendant le printemps prochain qui verra , selon les promesses faite à Davos, par les pays les plus en vue de la planète, une reprise des négociations commerciales multilatérales. Il reste à savoir si les bonnes résolutions prises dans la luxueuse station de ski Suisse résisteront aux frictions inévitables sur la question de l'agriculture notamment. Un gros point de discorde qui a déjà fait avorter par le passé les bonnes intentions exprimées par les politiques. En juillet dernier, Pascal Lamy, le directeur général de l'OMC, s'était résolu en effet, à suspendre les pourparlers, bloqués par les désaccords sur la libéralisation de l'agriculture. Depuis, seules des discussions techniques avaient eu lieu à Genève, doublées de rencontres bilatérales notamment entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Des rencontres sans réel effet sur l'avancée des discussions portant sur l'avenir du commerce mondial. Aujourd'hui, après six mois d'hibernation, les négociations commerciales multilatérales sont officiellement remises sur les rails pour parvenir à un accord sur le cycle de Doha, lancé en novembre 2001. Pascal Lamy, à nouveau optimiste après le sérieux revers essuyé en été, a prévenu cette semaine que la négociation " ne se conclura pas sur les bases qui ont fait capoter le processus en juillet dernier. Il faudra une nouvelle offre américaine sur les subventions à l'agriculture, une nouvelle offre de l'Union européenne sur les tarifs agricoles et une nouvelle offre indo brésilienne sur les produits industriels et les services ", a-t-il dit. Pour leur part, Bruxelles et Washington ont voulu afficher leur bonne volonté et leur ferme intention de garantir la réussite des prochaines rencontres. " Si les conditions sont réunies, l'Union européenne est prête à jouer son rôle dans l'agriculture ", a promis Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce. Susan Schwab, la représentante américaine au Commerce a indiqué de son côté que les Etats-Unis étaient prêts " à faire davantage " pour réduire leurs généreuses subventions agricoles. Il se trouve que maintenant qu'ils ont exprimé leur volonté de ressusciter le cycle de Doha, les pays concernés sont tenus par un calendrier plutôt serré. D'un côté l'administration américaine doit convaincre le Congrès de renouveler l'autorité de négociation élargie dont bénéficie le président Bush et qui expire cet été, en présentant , vers la fin du premier trimestre, les contours d'un accord favorable aux intérêts des exportateurs américains, alors qu'en France, le calendrier électoral complique la tâche du commissaire européen Peter Mandelson qui a évoqué la possibilité d'une " percée dans un mois environ " dans les négociations, alors que dans les faits rien ne prédit une conclusion aussi rapide. Aides trop généreuses à l'agriculture Déjà en juillet 2006 lorsque le processus des négociations fut interrompu, beaucoup d'hommes politiques en Europe avaient estimé que la conclusion d'un accord sur le commerce mondial pourrait traîner en longueur et durer jusqu'à l'entrée en fonction d'une nouvelle administration américaine, en 2009, alors que la représentante américaine au commerce, Susan Schwab, avait affirmé de son côté que l'issue des élections françaises du printemps 2007 serait importante pour l'avenir des négociations. Il est à noter que ce sont les aides à l'agriculture que les six grands acteurs de l'OMC (UE, Etats-Unis, Japon, Inde, Brésil, Australie) octroient généreusement aux professionnels du secteur agricole qui empêchent toute avancée des négociations mondiales. Les pays les plus riches, malgré les grands discours sur un nouvel ordre commercial sont peu enclins en fait, à ouvrir un secteur aussi sensible que celui de l'agriculture à la concurrence internationale. Il faut dire que même si dans l'absolu, les négociations entamées dans le cadre du cycle de Doha visent la mise en place d'un ordre commercial mondial plus équitable, les européens comme les américains entendent d'abord protéger leurs économie et leurs intérêts. Sur cette question il n' y a guerre de doute même si la prise en compte des nations les moins nanties est souvent avancée çà et là comme une des raisons qui fait s'affairer depuis 2001 les négociateurs de l'OMC. Les subventions encore très importantes accordées aux Etats -unis et en Europe aux agriculteurs ne peuvent s'harmoniser avec les objectifs tracés à Doha (Qatar ) en 2001, parce qu'elles créent notamment de graves distorsions dans le commerce mondial et sont particulièrement nuisible aux pays pauvres. De toute façons l'idée que "les pays du Sud" seraient les bénéficiaires d'une libéralisation du commerce des produits agricoles est battue en brèche. Pour la FAO par exemple " le cycle de Doha est sans grand intérêt pour les pays les moins avancés, qui n'ont pratiquement rien obtenu lors des précédentes négociations commerciales sur l'agriculture de l'OMC. Les dates marquantes 9-14 novembre 2001 : Lancement du cycle de Doha, au Qatar. Un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales baptisé Agenda du développement ; il débutera le 1er janvier 2002 pour une durée de trois ans maximum. 11 décembre 2001 : Entrée effective de la Chine à l'OMC, suivie, le 1er janvier 2002 de celle de Taïwan, respectivement 143ème et 144ème membres de l'organisation. 20 décembre 2002 : Echec du projet d'accord à l'OMC sur l'accès aux médicaments. 26 juin 2003 : Accord européen sur la réforme de la Politique agricole commune (PAC) : cette réforme ouvre la voie à la limitation des subventions agricoles réclamée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le cadre des négociations commerciales multilatérales. 30 août 2003 : Accord sur l'accès des pays pauvres aux médicaments génériques. Septembre 2003 : Echec de la conférence de Cancun (Mexique) qui se transforme en affrontement Nord-Sud autour de la question agricole. Les pays du Sud décident de s'unir pour faire aboutir leurs revendications. 1er août 2004 : Accord à l'OMC relançant le cycle de négociations commerciales lancé en 2001 à Doha et bloqué depuis l'échec de la conférence de Cancun en septembre 2003. 1er janvier 2005 : Fin des quotas sur le commerce des textiles dans le monde. 26 mai 2005 : Pascal Lamy est nommé directeur général de l'OMC. 13-18 décembre 2005 : La conférence de Hong Kong approuve la suppression en 2013 de toutes les subventions aux exportations agricoles et prend des mesures en faveur des pays très pauvres. Mais le cycle de Doha reste globalement dans l'impasse à cause de l'agriculture. 24 juillet 2006 : l'OMC suspend sine die le cycle de négociations commerciales multilatérales . Cinq ans après leur lancement à Doha, les négociations sur la libéralisation du commerce mondial axées sur le développement sont mises en échec sur la question agricole des pays industrialisés. Au terme d'une réunion de la dernière chance organisée les 23 et 24 juillet entre les six principaux protagonistes (Etats-Unis, Union européenne, Brésil, Inde, Australie et Japon), les grandes puissances commerciales ne parviennent pas à trouver un accord sur la baisse des droits de douane à l'importation de produits agricoles et sur la réduction des subventions agricoles.