La peur du protectionnisme a largement dominé les discussions à Davos (Suisse) où les ministres du Commerce, réunis samedi, ont tenté de remettre sur les rails les négociations sur la libéralisation des échanges censées faire barrage aux tentations de repli. Le Forum économique mondial (WEF) a entendu de multiples mises en garde contre un réflexe de protection des marchés nationaux face à la crise financière et économique. Mais pour beaucoup, le mouvement est déjà engagé. “Le protectionnisme a déjà commencé et cela va continuer”, a déclaré le ministre égyptien du Commerce, Rachid Mohamed Rachid, à l'issue de la réunion. Le directeur de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, a confirmé avoir “détecté plusieurs points rouges sur (ses) écrans” de surveillance des politiques commerciales. Expliquant : les dirigeants “subissent une pression politique intérieure. Ce qu'ils entendent chez eux, c'est que le commerce doit être jeté aux toilettes”. “C'est une source d'inquiétude pour eux comme pour moi”, a-t-il ajouté. Plusieurs pays sont dans la ligne de mire de l'OMC mais le projet américain de protéger le secteur sidérurgique contenu dans le plan de sauvetage a cristallisé, dans la station des Alpes suisses, les craintes d'une réduction de l'accès aux marchés de la planète. Pour lutter contre ce mouvement considéré comme contre-productif à long terme, la vingtaine de ministres “est tombée d'accord pour renforcer les contrôles” des politiques commerciales des 153 pays membres de l'OMC, a indiqué le ministre coréen du Commerce, Kim Jong-hoon. M. Lamy s'est engagé à être “vigilant”. Mais cette attention ne devrait pas suffire, les pays disposant de toutes sortes de barrières non tarifaires à même de protéger leurs industries. Pour les ministres du Commerce, le seul Graal du libre-échange reste la conclusion des accords de Doha devant libérer significativement les frontières commerciales, qui patinent depuis plus de sept ans. “Le commerce n'est pas une part du problème, c'est une part de la solution” à la crise, ont-ils martelé en cœur samedi. Prenant acte, la Suisse, organisatrice de la rencontre, a proposé une réunion ministérielle à l'OMC avant le grand rendez-vous des vingt premières économies mondiales (G20) début avril à Londres. L'idée est, selon elle, que le cycle de Doha soit intégré au programme des discussions sur la relance économique mondiale. Le dernier G20 en novembre avait déjà abouti à un appel à conclure les points principaux du cycle d'ici à la fin 2008. Mais les bonnes volontés des dirigeants ne s'étaient pas transformées en action concrète, en l'absence de position claire des Américains paralysés entre deux administrations. À nouveau, Washington n'était représenté à Davos que par son ambassadeur auprès de l'OMC. Les ministres du Commerce présents n'en ont pas moins publié une déclaration commune estimant que “les progrès majeurs réalisés en 2008” fournissaient “une base solide pour une résolution rapide des divergences restantes en 2009”.