Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA et ancien président du conseil d'administration (CA) de la Caisse nationale des assurances sociales (Cnas), a assumé ses responsabilités, hier, devant le tribunal criminel de Blida, quant à la résolution relative au placement des fonds des caisses à El Khalifa Bank, à l'insu des membres du CA. Interrogé en tant que témoin, le patron de la centrale syndicale commence par tergiverser sur les missions et le rôle du CA et sa relation avec la direction générale de la caisse, avant d'être stoppé net par la présidente qui lui précise de s'en tenir uniquement aux questions posées. Notre problème aujourd'hui n'est pas dans les prérogatives des uns et des autres ou les conflits qui peuvent exister entre eux. Qui a pris la décision de placer les fonds de la caisse à Khalifa ? » Sidi Saïd : « Le président du CA. » La juge : « Est-ce que le CA s'est réuni le 1er février 2002 ? » Le témoin : « Non. Mais il y a un début en avril 2001, il y a eu une délibération sur le placement des excédents de la trésorerie. » La présidente : « Sans préciser au niveau de quelle banque ? » Le témoin : « Oui. Mais le ministère a approuvé la délibération de ce placement et celle de l'augmentation des salaires du personnel des caisses dans le cadre des conventions de branche. » La présidente insiste sur la résolution du 12 février 2002. Sidi Saïd déclare qu'il l'a signée au titre de président du CA et transmise à la tutelle, précisant qu'il ne s'agit pas de faux. La présidente : « Moi, j'ai un procès-verbal qui fait état d'une réunion du CA et adoption de la résolution, alors que tous les membres du conseil ont affirmé n'avoir jamais assisté à cette réunion parce qu'elle n'a pas eu lieu. Il y a une contradiction et nous attendons de vous une explication. » Le témoin : « Le CA a fait l'objet d'une réunion, le 7 février 2001, faisant état du placement des excédents de la trésorerie. Etant donné que le nouveau CA n'a pas été installé, j'ai géré la question au titre de président. » La présidente lui fait savoir que dans la résolution, il est fait état non seulement de la réunion du CA qui n'a jamais eu lieu, mais aussi de l'adoption de la résolution. Sidi Saïd, visiblement très gêné, déclare : « Il est possible que l'on considère cette résolution d'antiréglementaire, et j'en assume la responsabilité. » La juge, et pour mieux rassurer le témoin, lui fait remarquer qu'il a été convoqué en tant que témoin, et qu'il quittera le tribunal en tant que tel. « Lorsque le CA a fait l'objet d'une installation officielle en septembre 2002, la résolution lui a été soumise et il l'a adoptée. » La présidente : « A quelle date le premier dépôt a-t-il été effectué ? » Le témoin : « Le 28 janvier 2002, bien avant la résolution. C'est le directeur général de la Cnas qui m'a demandé de la faire, le 2 février 2002. » La juge : « Pourquoi vous demande-t-il une telle résolution, si l'argent était déjà placé ? » Sidi Saïd : « Je n'ai pas été informé de ce placement. » La présidente lui fait savoir que le DG de la Cnas, Abdelmadjid Bennaceur, a affirmé qu'il l'a informé, et c'est lui qui lui a donné l'accord. La magistrate se tourne vers Bennaceur et lui dit : « Je vous ai dit qu'il fallait un écrit. » Sidi Saïd révèle n'avoir pas été informé des cinq placements et que sa résolution a été transmise à la tutelle, précisant que si cette correspondance a disparu entre son bureau et celui du ministre, cela ne relève pas de ses responsabilités. « Je vous redis que ma grande surprise fut de me rendre compte que les placements avaient déjà eu lieu. » La présidente exhibe le registre des résolutions et demande au témoin si l'inscription de la résolution du 12 février était normale. « Je n'ai pas de commentaire à faire », dit-il avant que la magistrate ne lui signifie : « Pour nous, il y a eu un faux. » Elle revient sur le vote des membres du CA et lui précise que, là aussi, ces derniers ont démenti avoir voté une telle décision. « Pour ce qui est des placements, je peux vous dire que nous avons manqué d'information. Nous n'étions pas informés de certains dépôts », affirme Abdelmadjid Sidi Saïd. Pour lui, celui qui doit informer la tutelle est la direction générale de la caisse, à laquelle il aurait transmis une copie de la résolution. La présidente lui fait remarquer que le ministère ne l'a jamais reçue. Le témoin se défend en relevant que le bordereau d'envoi existe toujours à son secrétariat. Il annonce avoir eu connaissance des cinq conventions de placement et de leur contenu que le… 9 janvier 2007, soit après l'ouverture du procès Khalifa. Il ajoute que lors de la réunion du 26 septembre 2002, il n'a pas été question du dépôt effectué le 22 du même mois. Après son départ et à l'occasion de la préparation du budget 2003, la question a été soulevée, et, « par acquis de conscience, j'ai dit que j'ai autorisé un placement sans savoir qu'il y a eu déjà 5 conventions de placement ». La présidente : « Pourquoi approuvez-vous des placements dont vous n'êtes pas au courant ? » Le témoin : « Nous n'avons pas fait l'objet d'information sur le sujet. » La juge demande au témoin pourquoi il n'a pas protesté contre le fait que le DG ait déjà procédé au premier placement. Sidi Saïd répond : « La résolution d'avril 2001 accordait aux caisses la possibilité de placer leur argent. J'assume la responsabilité de la résolution du 12 février qui a couvert le placement de janvier 2001. » Il a ajouté n'être pas autorisé à donner un ordre au DG de la caisse, même verbalement, précisant que si ordre il y a, il faut un écrit. « Ce qui m'a surpris, c'est que le dernier dépôt arrivait à échéance le 22 décembre 2002, et les responsables auraient pu retirer les fonds à temps. Je reconnais que j'ai été complaisant en signant la résolution. Le CA venu après n'a pas eu suffisamment d'information pour pouvoir opérer les retraits ou prendre toutes les mesures nécessaires. » La juge : « Pourquoi acceptez-vous de couvrir une décision antiréglementaire ? » Le témoin : « Je pense que c'est dû au poids de l'habitude. J'ai eu à prendre une résolution en 1998 pour transférer des fonds au profit des familles des victimes du terrorisme. » Sidi Saïd conteste le fait que le ministère ne peut être mis au courant de cette affaire, du fait que de nombreuses réunions de coordination entre les DG des caisses et la tutelle ont eu lieu et la discussion aurait pu être engagée sur le sujet. La présidente aborde le sujet du local de Révolution et travail vendu à Abdelmoumen Khalifa. Sidi Saïd semble surpris. Il affirme que ce local situé à la rue Khelifa Boukhalfa appartient à l'organisation syndicale, qu'il a été cédé pour un montant de 170 millions de dinars, mais reconnaît n'avoir encaissé que 100 millions de dinars. La cession s'est faite sur la base d'une promesse de vente au profit de Khalifa Abdelmoumen, et le virement a été effectué dans un compte ouvert à l'agence de Khalifa d'El Harrach. A la question de savoir pourquoi n'avoir pas pu récupérer tout le montant, Sidi Saïd déclare qu'il y a eu un problème de régularisation des papiers. Le local était toujours un bien de l'Etat. Interrogé par le procureur général sur les placements de l'UGTA à Khalifa, Sidi Saïd affirme avoir déposé 80 millions de dinars qu'il n'a pu retirer. La présidente appelle à la barre Abdelmadjid Bennaceur pour une confrontation. L'accusé persiste à affirmer que Sidi Saïd était au courant du placement de la caisse et que c'est lui qui lui a donné l'accord pour le dépôt du 28 janvier 2002. Sidi Saïd fait des grimaces et tient sa tête entre ses mains. Mieux, il affirme que le SG de l'UGTA était au courant de toutes les opérations de placement. En désespoir de cause, Bennaceur lâche : « Je crois que Sidi Saïd a dû oublier. » Les questions des avocats à Sidi Saïd sont nombreuses, certaines ont eu des réponses claires, d'autres très approximatives. Il déclare à maître Meziane, avocat de la liquidation, que le paiement du local de Khelifa Boukhalfa a été effectué par Djamel Aziz, lequel a signé le contrat, alors que les négociations ont été menées avec Abdelmoumen Khalifa. La magistrate appelle Djamel Aziz qui confirme avoir payé l'UGTA après avoir reçu un virement de la direction des moyens et de la logistique. « Le chargé de la communication de l'UGTA est venu, il a encaissé 60 millions de dinars du compte ouvert au nom de l'UGTA à ce titre. »