Du fin fond de l'Afrique nous parvient un cri du cœur relatant un événement bouleversant sur la cruauté de l'ignorance. Sur une malédiction qu'on ne nomme pas. Alexandre Pothin Agbétrobu revient, après « Amour Compromis », avec un second roman « La Malédiction ». Sans doute par coïncidence (ou réminiscence ?), l'ouvrage porte le même titre que celui de l'écrivain algérien Rachid Mimouni, ce qui arrive parfois en littérature ou au cinéma. Mais la ressemblance s'arrête là et il ne s'agit pas de « la malédiction » de Mimouni, mais plutôt de celle qui s'est abattue sur la tribu des Malinkés et qu'on n'ose même pas nommer. Cette fatalité ressort à travers l'histoire d'un jeune homme, nommé Yaovi, robuste, qui arrive dans un village avec, comme seule richesse, un petit baluchon contenant quelques affaires. Le chef du village l'autorise à s'installer sur la colline isolée et à cultiver une parcelle de terre. Jusque là, rien d'extraordinaire, si ce n'est le comportement du jeune homme : réservé et solitaire, il ne descend jamais de sa colline. Il travaillait comme un forçat et au coucher du soleil, s'enfermait dans sa cabane. Ce qui suscitait la suspicion de tout le village. On ne le revoit que le jour où il apprend le décès de son bienfaiteur, le chef de la tribu. Il assiste aux cérémonies funéraires et tombe follement amoureux de la plus belle jeune femme du village, une orpheline nommée Afi. Pour conquérir son cœur, il s'en va tenter sa chance du côté d'une ferme agricole dans l'espoir de faire fortune. Mais il en revient très vite toujours aussi pauvre et avec de graves accusations. On lui reproche injustement d'avoir volé un lingot, alors qu'il connaît parfaitement l'identité du criminel il refuse de le dénoncer. Yaovi doit combattre la haine, le mépris et le mensonge… Mais épouse enfin sa bien-aimée. Un bonheur ineffable qui sera très vite anéanti par un insoutenable malheur, la mort mystérieuse de Afi. La malédiction des Malinkés a encore frappée. Une fois de plus une vielle interrogation — celle qui frappait déjà dans Amour Compromis — revient sur le tapis : « Comment l'homme avait-il pu ainsi se laisser entraîner hors de son propre paradis à l'heure où la vie l'invitait au bonheur ? » Pourtant, le sage au début de l'histoire, l'avait bien prédit : « Sous un ciel arc-en-ciel, le vent soufflait à quatre cent kilomètres heure, soulevant le sable, tordant les arbres, arrachant et balayant tout. C'était l'aube, le soleil venait juste d'apparaître à l'horizon lorsqu'il perdit subitement son éclat, annonçant la tornade. Je savais qu'un événement extraordinaire était sur le point d'accabler le cœur de l'humanité, loin des yeux du monde » . Déjà dans Amour Compromis (éditions La Bruyère, France), Alexadre Pothin Agbétrobu nous plongeait dans un récit bouleversant, « un fait divers qui avait fait la une des journaux » , écrivait-il. Dans La Malédiction, l'auteur précise aussi que cet événement poignant « plongea durant des décennies, tout un peuple dans une terrible et profonde réflexion ». L'auteur, un amoureux de l'écriture et des histoires bouleversantes, est né en 1955. Il voulait au début embrasser une carrière religieuse et envisageait ainsi de devenir prêtre. Mais « beaucoup sont appelés, peu sont élus ». Renonçant à sa vocation, il va poursuivre ses études en France où il vit depuis presque trente ans et où il se fera rattraper par sa dévorante envie d'écrire. La malédiction . A. P. Agbétrobu Ed. Ibès création 2006