Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU ouvrira demain sa 4e session à Genève (Suisse) : un Conseil des droits de l'homme en crise, torpillé par les Etats-Unis. Washington refuse d'y adhérer et lance une grande campagne pour décrédibiliser l'institution onusienne. Pour les détracteurs, elle n'est pas parvenue à imposer son autorité pour faire respecter les droits fondamentaux, comme l'illustre son impuissance au Darfour. Neuf mois après avoir remplacé une Commission des droits de l'homme discréditée par ses débats byzantins et ses partis pris, le Conseil a essuyé une cinglante défaite. La logique des blocs et la politisation marquent les travaux du Conseil, comme c'était le cas pour l'ex-Commission des droits de l'homme, dissoute l'année dernière, regrette le représentant d'Amnesty International à l'ONU, Peter Splinter. Les Américains appliquent cyniquement la politique de la chaise vide. Les Etats-Unis ont décidé de garder leurs distances avec la nouvelle institution. Se disant ulcérées par ses critiques répétées contre Israël, les autorités américaines ont décidé de ne pas solliciter cette année encore un des 47 sièges au Conseil malgré les appels du pied des Européens. « Nous avons besoin des Américains et nous souhaitons qu'ils nous rejoignent », expliquait récemment un diplomate de haut niveau, représentant à Genève l'Union européenne au Conseil des droits de l'homme. Louise Arbour, Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, est dans une situation difficile. La Canadienne est notamment critiquée pour son manque de courage sur le dossier de Guantanamo, sur la détérioration de la situation humanitaire en Irak et son manque de réactivité. Grand échec dans un monde qui vit de plus en plus la mondialisation de la violation des droits de l'homme. Une violation pratiquée paradoxalement par les dictatures du Sud comme par les pays industrialisés et démocratiques, comme l'Amérique. Le Conseil des droits de l'homme n'est pas parvenu à rassembler le Nord et le Sud dans la défense des droits fondamentaux et les Etats suspects de violations des droits de l'homme mènent la charge contre les rapporteurs spéciaux par pays chargés d'enquêter sur les régimes autoritaires. Qui peut enquêter sur les massacres ethniques en Irak, sur les conditions d'emprisonnement à Guantanamo, sur les cas des pendus-suicidés dans cette prison dont le statut juridique international est une tache noire dans l'histoire des démocraties occidentales, qui a semé la désolation au Liban ? Le chaos en Somalie et la désolation au Darfour… Pour cette session, le compte-rendu de la mission spéciale du Conseil sur le Darfour menée par Jody Williams, prix Nobel de la Paix, est particulièrement attendu. Interdite de séjour au Soudan, la délégation a décidé d'enquêter malgré tout depuis l'extérieur du pays et de présenter coûte que coûte un rapport. Le Conseil entendra aussi des rapports sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens, en Corée du Nord, en Birmanie, au Burundi, en République démocratique du Congo (ex-Zaïre) et au Liberia. Dossiers épineux. Louise Arbour, Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, a expliqué que le Conseil se dote « d'un mécanisme qui assure que tout refus de coopération ou toute obstruction sont considérés comme un affront au Conseil et traités de manière appropriée ». « On doit avoir des attentes réalistes sur la capacité véritable du Conseil des droits de l'homme de faire même mieux que le Conseil de sécurité, qui a tout de même des moyens coercitifs beaucoup plus importants », a affirmé Louise Arbour. Des paroles pour sauver les meubles du Conseil. A l'instar de beaucoup de diplomates à Genève, le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme veut croire que les ratés du Conseil sont dus au rodage de la nouvelle institution qui doit définir, d'ici fin juin, ses règles de fonctionnement.