Les diplomates l'ont appris jeudi soir. Les Etats-Unis se retirent du Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations unies. Le coup est rude pour l'institution basée à Genève et créée au printemps 2006 pour remplacer la Commission des droits de l'homme. Washington a toujours été critique à l'égard d'une instance onusienne qu'il aurait aimé davantage un club des alliés de Washington qu'une enceinte multilatérale. Le retrait américain peut paraître anodin, les Etats-Unis n'occupant qu'un rang d'observateur au CDH. Mais le rôle qu'ils ont joué jusqu'ici allait bien au-delà de ce statut. A Genève, personne n'a vu venir la nouvelle. D'autant que rien n'a fondamentalement changé au Conseil des droits de l'homme. Même à la Mission américaine auprès de l'ONU, on attendait le feu vert de Washington pour communiquer en vain. On se contente d'un no comment. Les raisons de ce désengagement formel restent obscures. Berne n'a reçu aucune notification écrite. Ce n'est que par téléphone que l'information aurait été diffusée. Les Etats-Unis ont certes toujours été victimes de leur sélectivité à l'égard d'Israël. Leur volonté de retrait surprend néanmoins. L'organisation non gouvernementale Human Rights Watch ne cache pas sa consternation. C'est une grosse déception. Est-ce le dernier coup de l'administration Bush? Ce retrait risque de donner raison aux révisionnistes, à ceux qui veulent des droits de l'homme à la carte comme l'ont, d'ailleurs, toujours souhaité les Etats-Unis. Ce n'est jamais bon quand les Etats-Unis se retirent des affaires multilatérales. La politique de la chaise vide que devrait mener Washington au Conseil des droits de l'homme pourrait être lourde de conséquences. Au carrefour de l'Occident et du monde islamique, qui incarnent peut-être la plus grande fracture de ce début de XXIe siècle, elle a toutefois la redoutable tâche de maintenir le dialogue entre des Etats et des régimes en contradiction directe sur la question des droits de l'homme. L'exercice est forcément difficile. Car en ces temps de manichéisme ambiant, le dialogue n'est pas vendeur. La démission américaine du CDH risque d'alimenter ce que l'on s'évertue à réfuter: le choc des civilisations. Il montre qu'à Washington, on est encore partisan du concept de "Ligue des démocraties" promu par le candidat républicain, McCain, et évoqué à Genève par ceux qui veulent la mort du CDH. Il repose sur le refus du dialogue avec les régimes jugés à tort ou à raison d'autoritaires. Il n'est pas non plus inutile de rappeler qu'avec leur méthode inquisitoriale, les Etats-Unis n'ont pas permis des améliorations plus substantielles sur le terrain. On peut espérer que le retrait américain n'est que conjoncturel ou stratégique, en vue des élections de novembre 2008. Car, pour le Conseil qui a mauvaise presse à New York, il est susceptible de marginaliser davantage les droits humains sur la scène internationale. Dans un monde aussi imparfait, il faut parfois savoir se contenter du "moins pire", à savoir un Conseil qui fonctionne mal mais qui existe.