Le procès des deux avocats, Hassiba Boumerdassi et Amin Sidhoum, qui devait avoir lieu hier au tribunal de Bab El Oued à Alger, a été, une troisième fois, reporté au 25 avril prochain. La défense des deux avocats, menée par Abdelmadjid Sellini, président de l'Union nationale des barreaux et bâtonnier d'Alger, a constaté, comme lors des deux derniers procès, l'absence du directeur de la prison de Serkadji (Bab Djedid, Alger) en tant que témoin. Le parquet reproche à maître Boumredassi d'avoir, le 27 juin 2006, sans en avoir demandé la permission au préalable, remis à un client dans la prison de Serkadji le procès-verbal de sa première comparution devant le juge d'instruction. L'avocate explique qu'elle a remis le document en question à un gardien de la prison, qui a promis de le transmettre à son client une fois qu'il aurait obtenu l'autorisation de le faire. Maître Sidhoum est, pour sa part, accusé d'avoir remis à un prisonnier cinq de ses cartes de visite en juillet 2006 sans en demander la permission aux autorités pénitentiaires. Sur ces cartes ne figurait que l'information pour contacter Sidhoum et « ne présentait pas de danger » au regard de l'article 166 du code pénitentiaire. L'Union nationale des barreaux a adressé une communication au ministère de la Justice demandant l'arrêt des poursuites qui touchent plusieurs autres avocats. « Si l'on persiste à s'attaquer aux droits de la défense, nous boycotterons les audiences de l'actuelle session sur le plan national », nous a confié une source du barreau. « Nous estimons que nos deux confrères n'ont pas commis d'infraction », nous a indiqué le bâtonnier, Me Sellini, qui a qualifié ces poursuites de « mesures d'intimidation contre le droit de la défense ». L'Union qu'il préside a demandé à se réunir avec les responsables du ministère de la Justice pour « dialoguer » autour de ces pressions. « Certains magistrats, représentatifs du courant rétrograde, considèrent les avocats comme des ennemis. Une idée malheureusement enseignée à l'Institut supérieur de la magistrature », a-t-il confié. Sellini a reconnu que certains juges maintiennent une bonne coopération avec les avocats : « Ces juges qui subissent des pressions, qui reçoivent des instructions, qui sont otages de la politique du nombre au détriment de la qualité du jugement, nous demandent parfois à nous avocats de les aider à mieux gérer les affaires. » Aux yeux du président de l'Union des barreaux, le dialogue avec les autorités judiciaires reste une urgence car « les déséquilibres de jugement menacent la paix sociale ». « Quand on condamne un voleur de téléphone portable, non récidiviste, à quatre ans de prison et qu'on prévoit une année pour quelqu'un qui a détourné des milliards de dinars, le citoyen peut être tenté par la frustration et la colère et revenir à des réflexes comme ceux qui ont fait exploser octobre 1988 ».