Le Grand Voyage n'est pas frénétique. Il est même zen. Un vieux Marocain, à la retraite sûrement, décide d'aller à La Mecque en voiture. Problème : trop vieux pour conduire. Son fils cadet est réquisitionné de force à quelques jours du bac. A priori, le scénario du premier long métrage du Franco-Marocain, Ismaël Ferroukhi, n'a rien d'exceptionnel. Encore un road movie, avec un sage et un adolescent. A notre grand bonheur, on se laisse happer par cette histoire à huis clos, elle se déroule la plupart du temps dans une voiture. La surprise est derrière chaque plan. Où les deux personnages, excellemment interprétés par Nicolas Cazalé et Mohamed Majd, apprennent à se découvrir, à se rapprocher. « Ce voyage à La Mecque était un prétexte idéal pour enfermer deux personnages totalement opposés dans une voiture et les forcer à communiquer. Dans la vie quotidienne, cette confrontation n'aurait pas eu lieu puisqu'ils ont passé leur temps à s'éviter », explique Ismaël Ferroukhi. Et le résultat est des plus sublimes. Les portes du paradis De Marseille, donc, jusqu'en Turquie, Réda est en position de force. Il parle français et baragouine un peu d'anglais. Son père, dépendant, le suit. Le rapport s'inverse à l'approche de Damas. Le père parle l'arabe et n'a plus besoin de son fils. De Marseille jusqu'à La Mecque, un voyage initiatique. Pour les deux. « Chacun des deux personnages apprend énormément. Je ne voulais pas donner l'impression que seul Réda découvre sa culture. Je souhaitais m'adresser aussi bien aux jeunes issus de l'immigration qu'aux musulmans qui sont arrivés en France il y a très longtemps », note le scénariste attitré de Cédric Kahn. Ismaël Ferroukhi a aussi réussi un autre exploit : tourner à La Mecque. Il est le premier cinéaste à se voir accorder ce privilège. Les images du désert syrien et de la foule dans La Mecque sont impressionnantes par leur beauté et leur force. Comme des tableaux animés. Ismaël Ferroukhi a mérité le Lion de la meilleure première œuvre à la Mostra de Venise. Son film, complexe et distant, est une invitation à se rapprocher de l'autre, de son voisin. Ou de son père.