Dix-huit jeunes chômeurs ont entamé, hier, leur huitième jour de grève de la faim pour revendiquer la mise sur pied d'une commission d'enquête ministérielle, indépendante, afin de s'enquérir de la gestion des fonds publics injectés ces dernières années dans divers projets de développement à Ras El Ma, 100 km au sud de la ville de Sidi Bel Abbès. Installés sous un abri en plastique, devant l'entrée principale du siège de l'APC, leur état de santé ne cesse de se détériorer. Vendredi dernier, deux autres grévistes ont été évacués vers la polyclinique Zeladj Mohamed pour des troubles gastriques et des douleurs thoraciques et lombaires, nous explique le médecin de garde. « En tout, nous avons reçu seize grévistes qui souffraient de fatigue et d'hypertension », précise l'infirmier de service de ce jour-là. « Les autorités doivent impérativement cesser de leur tourner le dos », estime un jeune de Ras El Ma, qui dit adhérer pleinement aux revendications des grévistes. Un groupe de jeunes agglutinés aux abords de la mairie fait part de son soutien aux grévistes et dénonce l'attitude belliqueuse du sénateur FLN de Ras El Ma : « Il (sénateur, ndlr) est venu hier accompagné de membres de sa famille et a proféré des menaces à l'encontre des grévistes s'ils ne cessent pas leur mouvement ». Selon l'un d'entre eux, Youcef, « les revendications des grévistes sont légitimes en ce sens qu'ils réclament une plus grande équité en matière d'accès à l'emploi et un contrôle plus strict des dépenses publiques ». « Ce n'est pas quelque chose que je souhaite faire, mais je dois le faire », affirme Bouhafs qui, depuis le déclenchement du mouvement, fait office de porte-parole des grévistes. Sous le regard vigilant de quelques agents de police postés aux alentours du siège de l'APC, il tient d'emblée à se détacher de tout mouvement ou coloration politique. « C'est une action longuement mûrie qui fait suite aux nombreuses doléances adressées aux responsables locaux au sujet de la gestion de la cité, en vain. Parmi les grévistes, certains sont au chômage depuis qu'on les a renvoyés de l'école », ajoute-t-il. La corruption et les passe-droits en matière de recrutement ont atteint, selon lui, un seuil intolérable. « Même les postes d'emploi temporaires accordés dans le cadre du filet social sont répartis en fonction de l'appartenance tribale du postulant ou de sa capacité à graisser la patte aux élus locaux », lâche-t-il en colère. Il évoque également le « gaspillage » et la « dilapidation » des deniers publics dans le cadre de la réalisation de certains ouvrages, notamment celui destiné à la protection de la ville de Ras El Ma contre les inondations. « Une commission d'enquête indépendante n'aura aucun mal à déceler les défauts de réalisation et autres malfaçons », assure-t-il. Autre motif de colère, la lenteur observée dans l'achèvement des logements sociaux dont certains auraient été octroyés à des étrangers (militaires de carrière) à la commune. La localité de Ras El Ma est une ville garnison qui connaît une très forte concentration de militaires de carrière. Des habitants de Ras El Ma, qui nous ont accostés, n'ont pas manqué aussi de dénoncer l'arbitraire et l'injustice que subit la population locale, soumise au diktat des trafiquants de drogue, nombreux dans la région. Pour le chef de daïra, ce mouvement de grève obéit à des considérations autres que celles avancées par les protestataires. « On ne peut pas répondre à toutes les revendications, notamment en ce qui concerne le logement. En matière d'emplois, le lancement du projet de la voie ferrée de R'jem Demmouche va permettre la création d'au moins 500 postes de travail », dit-il. Et de poursuivre : « En fait, les opportunités de travail en dehors du filet social existent, mais très peu de jeunes acceptent de travailler sur des chantiers et préfèrent plutôt se consacrer à des tâches moins pénibles. » Selon lui, les grévistes ont exigé des engagements écrits pour pouvoir bénéficier de logements sociaux qui devraient être livrés au plus tard le mois prochain. « C'est la raison principale de ce mouvement. Si nous cédons sur ce point, c'est la porte ouverte à toutes les dérives », révèle t-il. Doutant sincèrement des motivations à l'origine de ce mouvement, ce responsable nous a fait savoir que des tentatives de conciliation ont été menées ces derniers jours avec le concours de notables de la région. Pour les grévistes, leur mouvement ne s'arrêtera qu'avec la satisfaction de leurs revendications. « Plutôt mourir », diront-ils.