En agréant les écoles privées de formation professionnelle, l'Etat a voulu faire d'une pierre deux coups : se décharger petit à petit d'un secteur « budgétivore » qui nécessite beaucoup de moyens et permettre d'autre part aux privés d'apporter un savoir-faire et un investissement. Début des années 2000, c'est l'embellie financière. A l'aise du côté trésorerie, le gouvernement peut désormais offrir à tout demandeur une place dans un centre étatique. Ce revirement qui donne une chance inestimable aux jeunes, qui sont souvent dans le désarroi, d'accéder à une formation diplômante n'a pas fait que des heureux à Tizi Ouzou. « C'est le retour au monopole d'avant promulgation il y a une décennie de l'arrêté portant agrément des écoles privés », déduisent certains directeurs d'école. « Une concurrence à chances inégales », soutiennent d'autres. Ayant consenti dans la plupart des cas un investissement colossal, ils se sentent trahis, oubliés par la tutelle. Selon eux, tout en offrant un poste de formation aux jeunes exclus du système éducatif « qui est une excellente chose en soi », l'Etat doit garantir l'équité entre les établissements publics et privés de formation professionnelle. Comment ? Ils suggèrent dans la foulée une alternative médiane consistant à confier certaines promotions aux établissements privés (sous forme de sous-traitance) et éviter ainsi, d'une part, des classes souvent surchargées dans les CFPA et les instituts spécialisés (INSFP) et, d'autre part, « renvoyer l'ascenseur » aux gérants des écoles privées qui se sont investis corps et argent dans la formation. Ils affirment que « bon nombre de cadres ayant apporté leur modeste contribution à la formation des jeunes diplômés, à une époque où le pays ne pouvait pas leur assurer ce minimum, se voient aujourd'hui obligés de rendre le bilan et de changer d'activité ou carrément se retrouver au chômage ». La dernière « trouvaille » des pouvoirs publics pour « perturber » d'avantage l'activité de ces établissements, pourtant dûment agréés depuis des années, est l'obligation de posséder un registre de commerce pour dispenser le savoir. Convoqués par les services de la DCP de la wilaya, certains « contrevenants » se sont retrouvés devant le tribunal. « On m'a délivré un agrément signé par le wali au milieu des années 90. Nous sommes passés par les impôts, la Casnos et la Cnas ; aucun organisme n'a exigé un registre de commerce. Nous avons fonctionné ainsi pendant dix ans (…), heureusement pour nous, le juge a compris qu'il ne s'agissait pas de fraudeurs mais bel et bien d'éducateurs », témoigne le gérant d'un établissement privé. L'on croit savoir que même la direction de la formation professionnelle n'était pas informée de la nécessité d'un registre de commerce pour des écoles agréées par l'Etat. Sur un autre plan, ces établissements sont contrariés par le foisonnement des cybercafés et autres fantomatiques boîtes informatiques qui proposent clandestinement des formations de courte durée. « Les rares instituts privés qui arrivent à se maintenir sont ceux qui exhibent des noms d'établissements français ou canadiens et qui miroitent aux stagiaires le mirage de l'émigration ». Ainsi, résume un directeur d'école, la précarité de l'enseignement professionnel privé à Tizi Ouzou.