L'opération moralisation lancée en différents sites de la wilaya, notamment sur la corniche et les hauteurs de l'Edough est-elle seulement un coup de pied dans la fourmilière ? En tous les cas, les adeptes de la chair et de la bonne chair et les habitués des night-clubs, bars et cabarets l'ont sentie passer. Ces dernières semaines, le calme semble être revenu avec chaque jour un peu plus de couples mixtes à la recherche d'un endroit isolé en bordure de mer ou dans le maquis du piémont de l'Edough, le club hippique. C'est aussi le retour du long défilé de voitures de tourisme, taxis et transports en commun tout au long de la corniche. Les stations de service, les vendeurs de tabac et de boissons chaudes, installés en bordure de route, se sont remis à comptabiliser les bonnes recettes. Sur cette corniche, les familles, les amoureux et les poètes ont retrouvé l'inspiration. Les uns et les autres semblaient avoir oublié les premiers jours du printemps avec les descentes des brigades de police et de gendarmerie pour des contrôles d'identité. Ces descentes ont été parfois suivies d'interpellation et de présentation de personnes surprises en flagrant délit de fornication ou comportement portant atteinte aux bonnes mœurs. Cela avait entraîné le tassement du commerce et la crainte de certains gérants quant à la fermeture de leurs locaux spécialisés dans les soirées arrosées et les tables bien achalandées. Plusieurs de ces gérants avaient été contraints de mettre au chômage les quelques agents qu'ils employaient au noir. D'autres tenanciers de bar ont préféré changer de métier. Sous des prête-noms, ils ont ouvert des commerces de lingerie fine offrant aux regards de tous culottes de satin, strings et accessoires aguichants. Ces commerces poussent comme des champignons dans les rues de la ville et aux abords des plages. Métamorphose aussi dans le comportement des jeunes filles au physique vieillissant converties en voyantes, celles qui se sont mises, sans aucun diplôme, dans la coiffure, l'esthétique, le massage ou conseillères es difficultés conjugales. C'est dire que Annaba bouge dans tous les sens. Tant et si bien qu'accaparés par la chasse aux délinquants, malfrats, trafiquants de drogue… qui foisonnent dans les quartiers et cités, les policiers et les gendarmes se sont fait une raison. Dans la foulée de leur croisade contre les atteintes aux mœurs et à la morale publique, ils ne devaient pas quitter de l'œil les anciens truands ou bénéficiaires de la loi portant réconciliation nationale. Aux côtés des Chinois spécialisés dans les produits de mercerie, ces deux catégories de citoyens sont partis à l'assaut des friches foncières, commerces de mode, d'habillement et chaussures, épiceries fines. Beaucoup se sont battus pour arracher les baux des locaux commerciaux du centre-ville vidés par leurs propriétaires. Cette situation a entraîné une flambée des prix à la cession ou à la location. Des immeubles, kiosques, locaux commerciaux, parkings… retapés par la commune comme l'hôtel Ezzahra sont cédés ou loués à des particuliers. Chaque jour, Annaba prend un peu plus le visage de la halle des fruits et légumes anciennement Aswak El Fellah ou celui du marché couvert. Ces deux surfaces commerciales ont été transformées en une galerie de boutiques superposées. Des rues sales, des restaurants et fast-foods où l'on mange dans des conditions d'hygiène exécrables et de salubrité complètent ce tableau d'une ville qui fut, à une certaine époque, classée en tête des plus belles d'Algérie.