Les électeurs ont finalement choisi Nicolas Sarkozy. Ou plus précisément la « solution » Sarkozy. En accordant majoritairement hier leurs suffrages à celui que les Maghrébins de France redoutaient comme la peste, les Français auront plébiscité un projet de société particulier, une façon particulière de faire de la politique, mais surtout opté pour un personnage atypique dans le paysage hexagonal. Le fait d'avoir porté Nicolas Sarkozy à l'Elysée est en l'occurrence un signal fort que la France profonde est en phase avec le discours rugueux, parfois cassant de ce dernier. Son profil ne ferait pas plaisir aux immigrés. Cela est indiscutable. La mémoire des banlieusards se rappelle encore, tous frais, le « Karcher et la racaille ». Désormais, ces insanités dont Nicolas Sarkozy détient les tristes droits d'auteur, sont assumées, du moins pardonnées par une majorité de Français. La preuve ? Ils l'ont confortablement élu. Comme son ami George Bush, il a habilement su adosser sa campagne sur le thème de l'insécurité face à des Français frileux. Son va-t-en guerre a convaincu les plus sceptiques au point de rogner considérablement sur les plates-bandes de Le Pen, apparu dans la peau d'un enfant de chœur devant un Nicolas Sarkozy bien en verve. Avant de battre la candidate socialiste Ségolène Royal, le désormais patron de la France a d'abord malmené le Front national de Le Pen à qui il a piqué le discours de prédilection sur l'immigration. Pour les électeurs français, un lepénisme sans Le Pen pourrait être la meilleure recette. Et Sarkozy aura terriblement réussi à incarner ce double personnage qui, tout à la fois, promettait d'être ferme et mesuré. Cette stratégie du Le Pen édulcoré semble avoir charmé des pans entiers de la population française qui, sans être franchement hostiles aux citoyens d'origine émigrée, n'en sont pas moins préoccupés par la violence qu'elle impute, à tort ou à raison, à cette catégorie de Français ou en voie de l'être. Le discours et la méthode En élisant Sarkozy, les Français auront exprimé leur choix pour la manière forte et ferme dans le traitement du dossier de l'immigration qu'il lui préconise. Et les sympathisants de Jean-Marie Le Pen trouveront allégrement leur compte. Faut-il pour autant que les autres, ces Maghrébins des banlieues, se tiennent le ventre contre cet « ennemi » qui ravive le triste souvenir d'Argenteuil 2005 ? Le président Sarkozy sera-t-il la copie conforme du candidat Sarkozy ? C'est à ce niveau qu'est attendu le successeur de Jacques Chirac ? Bien qu'il se soit présenté comme un candidat de la rupture et du changement, il est difficile d'imaginer Nicolas Sarkozy se soustraire à l'héritage gaullien. Quid des futures relations de la France version « Sarko » avec l'Algérie ? S'il apparaît peu probable que le personnage puisse condescendre à demander officiellement pardon comme cela est exigé par les autorités algériennes s'agissant des crimes coloniaux, il n'est pas exclu que Sarkozy puisse trouver un modus vivendi avec ses partenaires algériens. Le fait est que la France et l'Algérie ne pourront plus éternellement se tourner le dos ni se cambrer dans un attentisme improductif comme cela avait été le cas durant le règne de Chirac. L'épisode peu glorieux du fameux traité d'amitié préparé à la hussarde puis tout de suite avorté traduit ce malentendu historique entre les deux pays. Le désormais président de la « rupture et du changement » devrait donc donner un coup de pied dans la fourmilière pour ne pas compromettre les rapports de la France avec l'un de ses principaux partenaires économiques de la rive sud de la Méditerranée : l'Algérie. Aussi notre pays est historiquement plus proche de la droite que de la gauche. L'on se rappelle les démêlés de l'Algérie avec la France mitterrandienne au début des années 1990, quand l'ex-Président avait réclamé une conférence internationale sur l'Algérie. En revanche, les dirigeants de la droite s'étaient toujours distingués par une dénonciation claire et nette du terrorisme. C'est dire qu'avec un Nicola Sarkozy, les responsables algériens sauront au moins qu'il sera le Président qui fera ce qu'il a promis, contrairement à ceux de la gauche rompus au discours incantatoire. Avec Sarkozy, le discours et les décisions auront le mérite d'être clairs. En cela, ce sera véritablement une rupture. Y compris avec la méthode Chirac.