Les entreprises algériennes, notamment celles du secteur privé, ont fait un bond prodigieux tant du point de vue du nombre (en moins de 20 ans elles sont passées d'environ 55.000 à près de 400.000) que de la qualité de leur gestion (organes de contrôle et concurrence obligent, la comptabilité et le marketing sont mieux maîtrisés que par le passé). Les réformes économiques auxquelles ces entreprises doivent en grande partie leur essor ont, toutefois, largement atteint leurs limites aujourd'hui. Le chantier des réformes visant à construire un authentique système de marché est loin d'être achevé. Dans son état actuel, il constitue un habit à l'évidence trop étroit, pour nos entreprises qui aspirent à travailler selon les règles de gestion universelles, dans une économie de marché dotée, ne serait-ce, que de ses outils essentiels que sont : les marchés financiers notamment à long terme, le marché des changes, le marché boursier, les marchés fonciers et immobiliers, pour ne citer que les plus vitaux. Si des actions ne sont pas rapidement engagées pour donner au système de marché que nous voulons édifier tout ces éléments structurants de l'économie moderne, les entreprises algériennes n'auront à l'évidence, aucune chance de s'adapter aux changements induits par la mondialisation. La concurrence étrangère et le marché informel n'éprouveront alors aucune difficulté à les faire disparaître. En effet, en dépit des résistances au changement qui ont beaucoup retardé la transition à l'économie de marché, force est de constater que les réformes mises en oeuvre déjà généré d'importantes ruptures systémiques, auxquelles on n'osait même pas penser durant les vingt premières années de l'indépendance. L'autonomie de gestion, la liberté des prix, la concurrence et l'obligation de résultats se sont substituées au fonctionnement administré des monopoles d'Etat et l'entreprise privée à la quelle les textes doctrinaux à fondement socialiste (charte nationale, Constitution) avaient pratiquement dénié le droit d'exister, a fait des progrès prodigieux à la faveur du processus de libéralisation enclenché à la fin des années 80 . Des milliers d'entreprises privées ont ainsi pu naître et prospérer en dépit d'une législation incomplète et d'un environnement encore peu favorable aux affaires. En matière de contribution à la richesse nationale le privé algérien a déjà surclassé le secteur public qui avait régné sans partage , trente ans durant, sur l'économie du pays. Plus des deux tiers de la richesse nationale hors hydrocarbures est aujourd'hui produite par le privé. L'amélioration progressive du climat des affaires et l'intérêt que portent de plus en plus les entrepreneur au management sont de nature à favoriser encore d'avantage l'émergence aussi bien en nombre qu'en qualité de nouvelles entreprises. Notre conviction est que l'Algérie dispose de suffisamment d'atouts pour asseoir une politique de développement offensive assise sur la promotion de l'investissement portée aussi bien par les nationaux que par des hommes d'affaires étrangers. Mais il ne faudrait toutefois pas se faire d'illusions, l'investissement ne va que là où le climat des affaires est favorable aux profits. L'investisseur étant particulièrement rétif à la bureaucratie et à l'excès de réglementation le gouvernement algérien œuvre progressivement à la mise en place d'un dispositif plus souple qui du reste commence à porter ses fruits. Les investisseurs étant par ailleurs sensibles à la présence d'un Etat de droit qui les prémunirait contre les injustices qu'ils pourraient subir, les autorités algériennes travaillent également à la mise en place d'un droit des contrats qui sécurise tout promoteur d'investissement dans notre pays. D'importants éléments structurants de ce droit des contrats, comme l'arbitrage international, le code des marchés publics, et certaines conventions internationales, commence à donner déjà à lui donner un contenu concret. Beaucoup de chemin a déjà été accompli dans ce long et périlleux processus d'édification d'une économie de marché sur les décombres d'un système socialiste qui a profondément imprégné le comportement des citoyens. Le mérite de l'Algérie est d'avoir entrepris les réformes requises dans des conditions particulièrement difficiles (crise financière, insécurité, mentalités rentières héritée du régime socialiste etc.). Un important retard dans la mise en œuvre de certaines réformes ( je pense notamment à la réforme du système bancaire) et des occasions manquées (privatisation des entreprises publiques) sont certes à déplorer mais plutôt que d'épiloguer sur les ratés du processus de réforme, il serait à notre avis beaucoup plus productif de réfléchir à ce qui reste à faire et comment le faire sans trop tarder compte tenu de l'amélioration de la situation sécuritaire et de l'embellie des finances publiques. D'aucuns parmi les observateurs de la scène économique algérienne, considèrent que l'Algérie est aujourd'hui un pays mûr pour l'investissement, mais plus encore, pour les grands investissements productifs créateurs de richesses et d'emplois. Les managers d'envergure existent, l'économie algérienne a suffisamment bien avancé dans sa transition au système de marché, la croissance est forte (5% en moyenne) et l'Etat dispose d'importantes ressources prêtes à être injectées dans la réalisation d'infrastructures. Les chefs d'entreprises, notamment privées, souhaitent s'impliquer encore davantage dans le développement du pays. L'acquisition d'entreprises publiques éligibles à la privatisation, l'organisation en sociétés par actions de nombreuses entreprises privées familiales et la modernisation de leur management constituent autant d'atouts pour l'essor de l'entreprise algérienne, à charge pour l'Etat de l'accompagner en mettant en œuvre les réformes nécessaires. Les entrepreneurs algériens sont à l'évidence de plus en plus soucieux des managers d'adapter leurs entreprises aux changements induits par la mondialisation et l'essor des technologies. Si les managers ont, pratiquement tous aujourd'hui une parfaite maîtrise des tableaux de bord de leurs entreprises, force est de constater que bon nombre d'entre eux disposent de surcroît d'une capacité d'analyse qui souvent déborde du cadre microéconomique qui les concernent en premier chef, pour faire dans la prospective et l'analyse des enjeux internationaux. Le souhait communément partagé par nos chefs d'entreprises, qu'ils appartiennent au secteur public ou privé, est que l'Etat qui en a, à lui seul, la prérogative, mettent enfin à leur disposition les outils fondamentaux de l'économie de marché . Sans marché financier, sans marché des changes, sans bourse des valeurs, sans banques d'investissement à long terme, sans marché financier et sans marché immobilier, il ne leur sera, à l'évidence, pas facile de moderniser la gestion de leurs entreprises. L'essor prodigieux qu'elles ont enregistré au cours de ces dernières années risque d'être ainsi compromis L'ouverture du marché national à la concurrence étrangère s'est déjà traduite par la perte d'importantes parts de marché et l'avenir est encore plus inquiétant pour nos industriels. Accélérer les réformes dans le sens de la construction d'un authentique système de marché, est de notre point de vue, l'alternative et sans doute la seule, qui puisse permettre à nos entreprises de s'adapter, en se modernisant et travaillant selon les standards universels de l'économie de marché, aux changements permanents induits par la mondialisation.