Le café son et image de la Bibliothèque nationale du Hamma de mercredi dernier était très particulier : le réalisateur Lamine Merbah était invité pour parler de la situation du 7e art en Algérie, plus particulièrement de l'équation cinéma-public. Mais avant de verser dans ce débat ô combien ! complexe, la BN projetait Yadass en présence de la comédienne et doyenne de la Cinémathèque algérienne, Khadra Boudehane, la première pour ne pas dire l'unique femme algérienne à avoir joué cigarette au bec. Une révolution à l'époque déjà, puisque ce film date de 1970. 34 ans après, Yadass n'a pas pris une ride, et pour cause, l'Inspecteur Tahar et son Apprenti restent inégalables à ce jour. De son équipe, 7 personnes nous ont quittés. Il en reste tout de même des souvenirs, et que des bons. Pour l'équation cinéma-public, le discours de Lamine Merbah est rationnel : plutôt que de se demander s'il y a un public et s'il y a assez de salles, il faudrait repenser les choses. « Nos salles datent de la colonisation. On devrait les détruire et en construire de nouvelles, des complexes cinématographiques, parce qu'il faut s'inscrire dans la modernité. » Mais pour parler de l'état actuel du 7e art, le réalisateur expliquera qu'avant, « le travail se faisait avec enthousiasme, alors qu'aujourd'hui beaucoup font un film pour de l'argent. Et la différence se voit sur le produit ». Selon lui, il n'y aurait plus autant de plaisir à faire des films, l'époque aurait changé, alors que « il ne devrait pas y avoir d'élément de profit dans l'équation art », dit-il et d'ajouter que l'Etat ne doit pas se désengager de la culture et du cinéma en particulier. Pourtant, on est en droit de se poser la question suivante : le budget accordé à la culture ne signifie-t-il pas justement que l'Etat ne veut pas de ce parent pauvre ? Quoi qu'il en soit, certains ne baissent pas les bras. Lamine Merbah en fait partie. Il vient de finir son dernier film, Regard d'enfants, et se dit heureux de la création du CNCA. « Les cinéastes attendaient depuis plusieurs années la création d'une entité qui regrouperait tous les moyens, qui permettrait d'organiser le secteur de la diffusion et de la production et qui leur redonnerait espoir », déclare Lamine Merbah et d'ajouter « J'espère que ces cinéastes se mobiliseront aujourd'hui autour des responsables du CNCA pour que les moyens ne se perdent pas ».