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De Sidi Molière à…
Théâtre arabe. l'aventure de l'écriture dramatique
Publié dans El Watan le 14 - 06 - 2007

Le théâtre dans les pays arabes a connu un développement progressif correspondant aux différents moments historiques et obéissant à une logique sociale marquée par l'adoption graduelle des différents modes de représentation européenne.
Le théâtre mobilise de nombreuses potentialités et associe de nombreux métiers, et d'abord celui de l'écriture. Mais, longtemps, les Arabes ont ignoré un certain nombre d'emplois, pourtant nécessaires à l'exécution d'une bonne œuvre dramatique. Les premières scènes jouées dans les pays arabes étaient essentiellement improvisées et ne correspondaient à un aucun schéma dramatique. On comptait surtout sur l'improvisation et l'habileté des comédiens qui devaient remédier à l'absence de texte. L'essentiel était de jouer et de faire aimer cet art nouveau qu'était le théâtre. Avant 1848, il n'y avait pas de texte écrit. Ce n'est qu'après les textes de Maroun An' Naqqash, au Liban, et d'Abraham Daninos, en Algérie, qu'on découvrit l'écriture dramatique. Les pièces de ces deux auteurs furent éditées au XIXe siècle. Selon Makhlouf Boukrouh, Daninos publia son texte en 1848, bien avant An Naqqash, ce qui situerait à Alger le premier texte d'une pièce de théâtre écrite dans le monde arabe. Mais nombre de leurs successeurs se contentèrent de simples canevas, à la manière de la commedia dell' arte. Peut-on considérer les Egyptiens Errihani ou Kassar comme des auteurs dramatiques ? Trop peu d'hommes de théâtre arabes maîtrisaient l'art d'écrire une pièce. Notre investigation nous a permis de découvrir que de grands noms de la scène arabe n'ont fait que reproduire des pièces ou reprendre leur architecture. Molière, Racine, Shakespeare, Corneille et d'autres ont été sérieusement malmenés par des écrivains arabes qui trouvaient cette manière de faire tout à fait normale. Certes, les Egyptiens Tewfik El Hakim ou Ahmed Chawqi, par exemple, présentaient des capacités réelles de maîtrise d'une écriture encore nouvelle dans le monde arabe, mais de nombreux hommes de théâtre, encore peu familiers à la pratique dramatique, continuaient à rédiger des textes qui ressemblaient beaucoup plus à des morceaux « littéraires ». Le cas du Syrien Ahmed Abou Khalil El Qabbani est révélateur d'une tendance qui, aimant pourtant l'art scénique, n'arrivait pas à se départir de cette dangereuse propension à soumettre le dialogue à une sorte d'examen littéraire. D'ailleurs, les monologues étaient légion. Le discours des personnages était obsessionnellement inondé de paraboles et d'images qui brouillaient la communication et alourdissaient le ton, sinon le sens de la pièce. Cette confusion entre deux genres, théâtre et littérature, entretenait de sérieux malentendus et alourdissait la pièce. Aujourd'hui, encore, on assiste dans les pays arabes à la réédition de cette « faute » originelle. Les traductions et les adaptations reprenaient, certes, la construction initiale des textes européens, mais désactivaient la dimension dramatique en les peuplant de monologues et d'images parfois inutiles. Durant cette période, on montait essentiellement des textes écrits pour des acteurs précis et des mélodrames. Même un homme comme Georges Abiad ne put résister à cette tendance qui, cependant, attirait le grand public, curieux de ce « nouvel » art. Les années trente ont permis à de jeunes étudiants et artistes, souvent formés à l'étranger, de se familiariser avec l'art dramatique, d'en lire les textes et de fréquenter les théâtres européens. C'est le cas de Tewfik El Hakim qui, étudiant en France, a été fortement séduit par la vie théâtrale de ce pays. D'ailleurs, l'influence des auteurs français sur son œuvre est très perceptible. Ahmed Chawki, lui aussi formé à Paris, reproduisait des textes français. Dans les pays du Maghreb, on commençait à écrire des textes obéissant aux normes de l'écriture dramatique. L'Egypte était le seul pays arabe qui encourageait la production théâtrale et récompensait les auteurs. En 1932, a été institué le concours de la meilleure pièce. En 1962, l'Union des dramaturges égyptiens naissait, dirigée par des écrivains prestigieux, Taha Hussein, président, et Tewfik El Hakim, vice-président. L'influence française était évidente. Molière dominait le genre comique. Ceux qui optaient pour ce genre reprenaient forcément ses procédés. L'exemple de Sanua, Allalou, Ksentini, Alj, Kanoua, pour ne citer que ceux-là, est frappant. Chaque pays arabe possède ainsi son Molière, et James Sanua a même été surnommé le « Molière égyptien » par le khédive Ismaïl en personne. Tayeb El Alj au Maroc et Touri et Ksentini en Algérie ont été également gratifiés de cette « distinction ». Maroun An Naqqash qui a orienté, du moins pour un temps, le théâtre dans le monde arabe a été le premier à adapter des textes de Molière. En Algérie, la première pièce en arabe « dialectal », Djeha, se référait implicitement à l'auteur français et reproduisait le schéma structural qui fournissait une certaine force au travail de l'auteur algérien.
L'habit ne fait pas l'émoi
Un grand nombre d'adaptations a été réalisé dans les pays arabes. Souvent, on ne citait pas le nom de l'auteur « adapté ». On algérianisait, égyptianisait, tunisianisait, et arabisait des auteurs européens. On habillait leurs pièces de costumes locaux. On donnait des noms arabes aux personnages et aux lieux. On expurgeait ou ajoutait des scènes, selon ce qui paraissait convenir ou pas aux publics arabes. Enfin, on en transformait le dénouement. Les traces des textes européens sont visibles et explicites. Que dire d'El Guerrab wa Essalhine (Le porteur d'eau et les marabouts), d'El Farafir de Youssef Idriss, d'El Malik houa el Malik de Saâdallah Wannous, d'Ali Baba de Tewfik El Hakim, et de très nombreux autres textes d'écrivains arabes. Tewfik El Hakim ne fait que transposer les faits et les événements de l'opéra de Vanloo et de Busnach, Ali Baba. L'Algérien Ould Abderrahmane Kaki reproduit l'architecture et les grands éléments dramatiques de La Bonne Ame de Sé-Tchouan de Brecht. L'Egyptien Youssef Idriss emprunte des moments importants à Brecht. Le Syrien Saâdallah Wannous réemploie de nombreux espaces de la pièce Homme pour homme. Certaines adaptations se réfèrent explicitement à l'auteur originel. C'est le cas des travaux du Marocain Tayeb Saddiqi, tirés de L'Ecole des femmes et Les Fourberies de Scapin de Molière. Ainsi, des textes français et anglais furent transposés dans la langue arabe en altérant leur logique narrative et en endommageant leur esthétique. On intégrait, de manière forcée, le chant et la poésie et on supprimait certaines allusions à la religion. Les traductions étaient souvent mal entreprises, à tel point que le sens de la pièce originelle se perdait. Les auteurs prenaient trop de libertés, perturbaient le texte et multipliaient à l'envi les intrigues. L'Egyptien Najib El Haddad « arabisa » ainsi Victor Hugo et Corneille. Abou Khalil El Qabbani ne signala nullement que sa Mithridate n'était qu'une simple traduction. Cette tradition se poursuit encore, certes, mais avec moins de dégâts. Ainsi, les hommes de théâtre maîtrisent-ils mieux aujourd'hui les techniques de l'écriture dramatique et tentent-ils de réfléchir aux meilleurs moyens leur permettant de construire des pièces neuves et originales. L'auteur est au courant des derniers changements techniques et des nouvelles tendances. Les hommes de théâtre se mettent également à adapter des romans. Naguib Mahfouz, Mohamed Zefzef, Tahar Ouettar, Mohamed Dib et bien d'autres écrivains assistent à la transposition dramatique de leurs œuvres. Brecht a alimenté pendant un moment l'écriture dramatique. Juste après la défaite de juin 1967, surtout en Egypte, l'absurde imposa sa présence déjà entamée auparavant. Beckett et Ionesco investissent ainsi le paysage dramatique. Et si Molière a hanté très tôt les scènes arabes, Brecht a séduit surtout les auteurs qui se revendiquent de la vulgate socialiste. Artaud semble être beaucoup plus adapté dans les pays arabes qu'en France.
Des autres à soi
De nombreux auteurs et metteurs en scène s'étaient mis à réfléchir à la mise en œuvre d'un autre théâtre plongeant ses racines dans l'humus populaire. Le Syro-Français Chérif Khaznadar est un grand adepte d'une sorte de retour aux sources et d'une certaine rupture avec le théâtre occidental. Le Tunisien Azzedine Madani, pour sa part, manifeste ses positions par un travail sur la langue et une « convocation » de thèmes historiques, mais reste encore prisonnier du schéma conventionnel. Ce théâtre, dit du patrimoine, n'est en fait qu'une tentative de relire les éléments de l'histoire et de l'héritage arabe. D'autres auteurs et metteurs en scène (Abdelkader Alloula, Tewfik El Hakim à un certain moment de sa vie, Youssef Idriss, Saâdallah Wannous, Ould Abderrahmane Kaki, Roger Assaf, Tayeb Saddiqi, Abdelkrim Berrechid…) recouraient aux différentes formes populaires et tentaient de les exploiter tout en centrant le discours autour d'un conteur-narrateur qui provoquait une sorte d'effet de distanciation. Le public était au centre de ces recherches. C'étaient surtout des tentatives de rompre avec le théâtre conventionnel. L'empreinte d'Artaud, de Brecht et surtout d'Ariane Mnouchkine est fondamentale. Cette manière d'appréhender l'acte théâtral s'était exprimée par la publication de manifestes. Toutes ces expériences visaient, donc, à promouvoir un théâtre arabe ou maghrébin autonome, fondé essentiellement sur les formes populaires, comme le conteur, les festivités, le bsat et les cérémonies. Trois éléments-clés constituent l'ossature de ces recherches : le public, le lieu et le personnage. Le rapport souvent étrange et étranger du spectateur arabe avec la représentation théâtrale pousse donc les auteurs et metteurs en scène à chercher une forme populaire pouvant lui faire retrouver ses propres manifestations culturelles et ses mythiques senteurs. Tentative, jusqu'à présent, vaine. Ainsi, le « retour aux sources » pouvait parfois servir à réconcilier l'éventuel spectateur avec un spectacle autrefois désiré, aujourd'hui, souvent folklorisé et tétanisé. La parole du conteur est-elle à même de mobiliser les différentes énergies et de reconquérir le public populaire ? Saddiki et Berrechid voulaient, en quelque sorte, retrouver le public de Djema' Lefna de Marrakech ou autres places publiques. Saddiki a tourné le dos à ce type d'entreprise. Roger Assaf, à travers les performances du hakawati, cherchait à élaborer une relation étroite avec les gens du peuple qui ne s'identifiaient nullement au théâtre conventionnel. Saâdallah Wannous mettait en selle de nombreux fragments de la culture populaire pour mieux atteindre « son » spectateur actif pour le pousser à déchiffrer consciemment les différents signes de la représentation. Youssef Idriss et Abdelkader Alloula reprenaient des formes dramatiques populaires et leur donnaient une nouvelle dimension esthétique. Kateb Yacine se déplaçait vers son public et mettait en scène les réalités politiques arabes dans un moule dramatique populaire. La logique du spectateur impliquait inéluctablement la présence d'un autre lieu scénique. La plupart des auteurs (parfois également metteurs en scène) avançaient explicitement l'idée de l'ébranlement de l'entreprise théâtrale européenne et de la mise en œuvre d'une nouvelle forme scénique s'articulant autour des manifestations populaires, des performances du conteur, et de la loi souveraine de la parole. Le Marocain Tayeb Saddiqi a joué dans des stades, des places publiques et des hangars. L'Algérien Abdelkader Alloula interpréta El Meïda (La table ronde) au milieu de paysans dans un village. Le Libanais Roger Assaf a fait la même chose dans le cadre de son expérience d'El Hakawati. Le troisième élément constituant de ce type d'expériences est tout naturellement le personnage, notamment celui du conteur autour duquel s'articulaient souvent les récits. Fonctionnant comme acteurs et narrateurs, ces personnages affichent leur présence de manière très forte et investissent tous les espaces du texte. Ainsi, à partir d'une reprise souvent maladroite et abusive des textes européens, les dramaturges arabes ont pu, malgré tout, se familiariser avec l'expression dramatique et commencer à envisager des voies nouvelles et originales.


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