Quel avenir pour les vingt-deux expulsés de la rue Théodore Héritiers, jetés dans la rue depuis plus de deux mois, dans l'indifférence la plus totale ? Entassés sous une tente installée hâtivement, à quelques mètres de leur ancienne demeure, ils vivent, depuis, dans des conditions déplorables. Occupant depuis 1963 une bâtisse appartenant par le passé à l'OPGI, au quartier Faubourg Thiers, à la sortie ouest de la ville de Sidi Bel Abbès, les frères Boulom ont été expulsés de force le 14 avril dernier. Ils avaient été sommés, quelques jours auparavant, de quitter les lieux, et ce, en application d'une décision de justice. Un huissier de justice, accompagné d'une centaine de policiers, s'était présenté en cette triste journée du dimanche 14 avril pour faire exécuter un arrêté d'expulsion délivré par le tribunal de la ville. La bâtisse en question avait été affectée à l'ex-société publique Sogedia au milieu des années 70. Après la dissolution de cette dernière, deux familles seulement ont été régularisées et ont pu obtenir un titre de propriété, apprend-on. Au cours des trois dernières années, cinq tentatives de déloger les personnes qui y vivent ont échouées, précisent des habitants du quartier. Traumatisme « Nous avons été priés de déménager immédiatement. Nos affaires ont été jetées dehors et on a été obligés de transporter une partie de nos biens chez des connaissance », s'empresse de dire Mostafa Boulom, rencontré hier. Sans emploi, coupées de tout droit, de tout recours, ces familles sont réduites à une telle misère que la plupart ne peuvent plus faire face. Des familles qui sombrent inexorablement dans la détresse et l'humiliation. « Deux recours ont été introduits auprès de la justice pour récupérer une partie de la bâtisse », explique Abbas, le plus âgé des Boulom, ajoutant que les forces de l'ordre ont expulsé l'un de ses frères alors qu'ils disposait d'un titre de propriété en bonne et due forme, qui lui « confère le droit d'occuper une partie de la bâtisse en toute légalité ». Selon les dires de Abbas, aucune suite n'a été donnée à la requête déposée auprès du tribunal. « Les reports successifs décidés par la justice ne font qu'accentuer notre marasme », poursuit-il. Avec leur grand-mère diabétique, Sohbi Kheira, 80 ans, les Boulom craignent aujourd'hui pour leurs enfants qui, pour la plupart, ont dû déserter leurs écoles depuis leur expulsion. « J'ai un enfant de10 ans qui ne va plus à l'école après le traumatisme qu'il a subi », indique Abbas, la gorge nouée. Toujours est-il que depuis le début du mois d'avril, ces familles n'ont plus accès à leurs lieux d'habitation. Evidemment, cette fâcheuse situation qui perdure toujours a fait le bonheur du propriétaire « légitime » de la bâtisse. Selon les dires de nombreux témoins, le nouveau propriétaire des lieux aurait acquis ce site de plus de 600 mètres carrés en 1986, alors que la loi ouvre droit en matière de cession des biens de l'Etat à ceux qui s'y trouvaient en premier. Ces personnes, interrogées, n'ont pas eu de mots tendres à l'endroit des pouvoirs publics qui n'ont pas bougé le petit doigt depuis presque trois mois pour venir en aide à cinq familles qui ne savent plus où donner de la tête. « Le plus révoltant c'est que les responsables locaux passent et repassent à longueur de journée par cette rue très fréquentée sans que personne ne daigne s'arrêter pour s'enquérir de la situation des familles expulsées », fait remarquer un habitant du quartier.