Ferkat fen el khachaba d'Adrar a fait escale à Témouchent dans le cadre sa tournée nationale inscrite au titre de la manifestation Alger capitale de la culture arabe. Elle y a donné en représentation Eddaraouich yabhatoune alla al hakika d'après une œuvre du Syrien Mustapha El Hallaj. D'emblée, l'on retient que cette troupe qui nous vient du Sud, où le 4e art est balbutiant, vient de confirmer une nouvelle fois sa place parmi l'élite du mouvement amateur national. Son metteur en scène attitré, Nourredine Boulghit, est à sa troisième honorable tentative dans un théâtre qui se veut à préoccupation citoyenne. Ainsi, en 2004, il a monté Beït Ennar de Mohamed Charchal et en 2005 Ma baâd el maout de Chawki Khamis, deux spectacles assez réussis. Tout comme eux, mais avec moins d'efficacité, Eddaraouich puise son inspiration dans un théâtre symboliste tant dans son écriture dramatique que scénique. La chorégraphie inspirée du patrimoine négro-africain, les couleurs et les formes d'une sombre scénographie ainsi que la poésie d'un texte en arabe classique, sont au service d'une intrigue où il y est question de Jazia, une sorte de Nedjma, personnifiée avec intelligence par Ouaji Saïda. Deux forces inégales, celles du bien et du mal, se la disputent. Eddarouich, campé avec fougue par Benali Miloud, est victime de sa passion pour elle. Les forces du mal le tourmentent par toutes sortes de tortures physiques et mentales. C'est précisément à ce niveau de la représentation que la mise en scène de Boulghit est convaincante. Il y traduit la déchéance qu'engendre la cruauté d'un système basé sur la répression et la manipulation des consciences, une transposition où toute idéologie ou lecture idéologique est évacuée. Néanmoins, pour un sujet éminemment politique, avec pour toute démonstration la mise en relief de l'indicible, le spectateur peut à certains égards ne pas y trouver son compte. Cette limitation est d'ailleurs à l'origine d'une interprétation outrée des personnages et d'un didactisme versant dans le cliché et la caricature. C'est dommage. Ceci étant, il y a de la bonne pâte chez Ferkat fen el khachaba, surtout lorsque l'on sait que d'un spectacle à l'autre, la composante des comédiens a changé du tout au tout. Néanmoins, si cela signifie qu'il existe un réservoir de talents grâce à un appréciable travail de formation, il n'en reste pas moins vrai que cette mobilité n'est pas faite pour aider la troupe à progresser.