La hausse constante des cours du pétrole constitue indéniablement l'un des défis majeurs à l'économie américaine. Une hausse que le secrétaire au Trésor américain, John Snow, qualifie « d'impôt sur l'économie ». Le prix du baril a augmenté de plus de 70 % en un an et reste au-dessus des 50 dollars. S'il reste élevé, il risque de peser à la fois sur la consommation et sur les prix, indiquent les analystes. La marge de manœuvre est limitée pour les Américains qui devront se rabattre, faute d'approvisionnements en pétrole, sur les réserves stratégiques. Un recours qui ne constituera pas une « solution », d'après John Makin de l'American Enterprise Institute, car « cela ne ferait que retarder la hausse des cours ». L'expert plaide plutôt pour une réflexion sur la conservation de l'énergie. Les experts craignent que la hausse des cours du pétrole n'ait des retombées sur la consommation et les dépenses des entreprises cet hiver, réduisant un peu plus la croissance et rendant la tâche difficile au futur président en matière d'emploi. Les embauches ont subi un sérieux coup de frein, avec seulement 32 000 postes créés en juillet, tandis que la consommation donne des signes d'essoufflement. L'une des principales répercussions actuelles de la flambée constante des prix du pétrole est la baisse du dollar. Le billet vert a perdu près d'un quart de sa valeur face à l'euro depuis deux ans. Pourtant, de l'avis de John Makin, la dépréciation du dollar est plutôt une bonne chose dans la mesure où cela « aidera à augmenter la demande de produits américains, ce qui permettra de réduire le déficit commercial ». Un déficit qui a atteint un record de 489,4 milliards de dollars en 2003. Couplé au trou budgétaire, c'est une source d'inquiétude à long terme, car il révèle la dépendance des Etats-Unis à l'égard des financements extérieurs, notamment asiatiques. La Chine a représenté un quart du déficit commercial américain l'an dernier. Le pire cauchemar, cependant, de la Réserve fédérale et de tous les courtiers en énergie américains, d'après Saâd Lounès (lire El Watan du 21 octobre 2004), est que « l'OPEP décide de faire de l'euro la monnaie de compte et de transaction de son commerce pétrolier ». Si c'est le cas, fait-il remarquer, « les pays consommateurs seraient amenés à vendre une partie des dollars de leurs réserves pour acheter des euros ». Le besoin mondial de billets verts diminuant, le cours du dollar chuterait brutalement. Anticipant une crise monétaire, la Chine et la Russie ont déjà, relève l'analyste, « commencé à convertir leurs avoirs financiers du dollar vers l'euro avec pour objectif, à terme, le partage à égalité entre les deux monnaies, à l'instar de nombreux autres pays. C'est justement ce phénomène ‘'d'osmose monétaire'', intensifié depuis les invasions de l'Afghanistan et de l'Irak, qui provoque cette dépréciation du dollar. » Cette flambée brutale du prix du baril est annonciatrice, souligne Saâd Lounès, « d'un scénario de réajustement des déséquilibres financiers mondiaux qui risque d'être aussi brutal, si les gardiens des temples monétaires ne trouvent pas les parades appropriées ».