Le nouveau président français est venu à Alger pour écouter « les conseils avisés » du chef de l'Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, sur son projet de créer une union méditerranéenne. Nicolas Sarkozy n'a pas dit ce que pense Alger de cette initiative. Hier, à l'issue d'un déjeuner de travail dans le cadre verdoyant de la résidence d'Etat de Zéralda, à l'ouest de la capitale, le chef de l'Etat français a animé, debout, à côté de Abdelaziz Bouteflika, une brève conférence de presse où il s'est expliqué sur cette première halte au Maghreb, deux mois après son élection. Avant de rencontrer les journalistes, Nicolas Sarkozy et Abdelaziz Bouteflika se sont offert une petite balade dans les jardins fleuris de Zéralda. D'un pas alerte, le chef de l'Etat algérien voulait sans doute rassurer sur sa santé. Dans le carré des reporters, chacun y allait de son commentaire. Souriant et silencieux, Bouteflika a laissé le soin à son invité de répondre aux questions. Il est connu que le locataire du palais d'El Mouradia n'anime jamais de conférence de presse avec les médias algériens. Cependant, aucun journaliste français n'a osé poser une question à Bouteflika. Sarkozy est venu à Alger accompagné de 56 reporters. « J'ai fait part au président Bouteflika du projet que la France porte, celui de l'union méditerranéenne. J'ai voulu recueillir l'avis du président Bouteflika et dire que l'Algérie avait une place centrale pour porter ce projet qui n'est pas le substitut du processus de Barcelone, du cadre du 5+5 ou de l'Union européenne », a-t-il déclaré. Il s'agit, selon lui, d'un projet politique fort autour duquel les hommes de la Méditerranée construiront, par l'union, la paix, la sécurité et le développement. « Comme il y a 60 ans, les Européens avaient construit l'UE », a-t-il appuyé. Ce projet est, à ses yeux, un appui au dialogue des cultures. « A cet endroit précis de la Méditerranée, tout peut se jouer », a-t-il précisé, disant que l'initiative se construira autour de projets concrets, en matière d'environnement notamment. Sarkozy reste convaincu que la Méditerranée peut devenir « la mer la plus propre au monde ». Il a souligné que l'idée qu'il défend avec son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ne doit pas être considérée comme française. « L'idée doit être celle de chacun. Si c'était l'idée de la France, à ce moment-là chacun dirait qu'il y a une arrière-pensée derrière l'initiative. Ce n'est pas du tout anecdotique que moi et Bernard Kouchner nous nous soyons d'abord rendus ici à Alger », a-t-il dit. L'Algérie est le premier pays hors-Europe visité par Nicolas Sarkozy. Le couple Alger-Paris peut, selon lui, jouer un rôle dans la construction de l'union méditerranéenne. Cependant, il n'existe aucun « groupe de pilotage » pour ce projet. « Il faut lever les malentendus, n'exclure personne et associer le plus grand nombre pour l'instant », a-t-il indiqué. Il a annoncé que le premier semestre 2008, les chefs d'Etat vont se réunir pour donner corps à ce projet. Pour cela, Sarkozy compte sur « la grande expérience » de Bouteflika. Le processus du dialogue euroméditerranéen de Barcelone, lancé en 1995, n'est, selon lui, pas un échec. « Ce processus a avancé moins rapidement que ses initiateurs ne l'avaient prévu. Je ne veux pas construire sur des décombres. Mais on va prendre l'héritage de Barcelone », a-t-il dit, oubliant qu'auparavant, il avait déclaré que l'union méditerranéenne n'était pas « un substitut » à ce processus. Interrogé sur « le partenariat d'exception » entre l'Algérie et la France, annoncé après la visite de Jacques Chirac à Alger en 2003, Nicolas Sarkozy a déclaré que l'important n'est pas de qualifier un accord, mais de lui donner un contenu. « Voilà sur quoi nous allons travailler dans un délai rapproché avant la visite d'Etat de novembre prochain », a-t-il noté. Sarkozy paraît décidé à rompre avec la méthode Chirac. C'est clair, « l'amitié se nourrissait davantage de projets et d'actions que de traités, de discours ou de paroles », a-t-il précisé. Le projet d'un traité d'amitié entre l'Algérie et la France semble être définitivement enterré. La visite de novembre prochain, qui suivra celle que fera Sarkozy au Maroc, sera activement préparée. Pour ce faire, les deux présidents ont désigné leurs proches collaborateurs pour que « la visite produise des résultats tangibles ». « Le président Bouteflika m'a fait part de la volonté de l'Algérie de préparer l'après-hydrocarbures », a déclaré le chef de l'Etat français. Qualifiée de pays émergent, l'Algérie pourra bénéficier, selon lui, de l'aide de la France dans des secteurs tels que le nucléaire civil, les énergies, l'agroalimentaire, les services, l'industrie... « Les entreprises françaises étaient prêtes à investir massivement dans cette économie émergente (...). Les discussions sur le nucléaire sont celles de l'énergie dans son ensemble, surtout que nous aurons l'occasion, je l'espère, d'avancer un certain nombre de propositions concrètes au mois de novembre », a précisé Sarkozy qui n'a pas répondu à une question relative au projet d'alliance entre Gaz de France (GDF) et Sonatrach. Les aspects liés à la délivrance de visas ont été abordés lors des discussions entre Sarkozy et Bouteflika. Les deux ministres des Affaires étrangères ont fait le point sur la suppression du régime de consultation imposé aux Algériens avant l'obtention du visa Schengen (système retenu à cause de la situation sécuritaire). « Il y a moins de délais d'attente pour les visas. Il y a des progrès à faire. J'ai toujours pensé qu'on gérait le flux migratoire par un accord de partenariat entre le pays d'émigration et le pays d'immigration », a souligné Sarkozy. En 2006, les consulats de France en Algérie ont délivré 34 000 visas court séjour. Le taux de refus tourne autour de 47%. Après Alger, le président français s'est rendu hier en Tunisie.