Le procès de l'affaire du séisme du 21 mai 2003 s'est poursuivi mercredi et jeudi derniers avec l'examen des dossiers dans lequel est impliqué l'OPGI. Boumerdès. De notre bureau Mercredi dernier, après le projet de la cité des 132 Logements de Zemmouri, c'était au tour du dossier des 80 Logements de la même ville d'être examiné dans l'après-midi. Pendant la matinée, le juge a entendu les experts des commissions gouvernementales qui avaient enquêté sur les raisons de l'effondrement de nombreuses habitations. Ceux-ci ont confirmé, à l'audience, les conclusions de leur mission évoquant de nombreuses « irrégularités » dont « le choix du terrain (en dehors du périmètre urbain) ; la délivrance du permis de construire après le démarrage des travaux ; la mauvaise conception parasismique ; le ferraillage insuffisant des poteaux ; la non-conformité de la nature des sols des fouilles des bâtiments A et B ; la réception des fonds de fouilles par le maître de l'ouvrage et le bureau d'études à la place du CTC ; la non-régularité de la procédure du contrôle du béton par le fait que les prélèvements des échantillons analysés étaient effectués et emmenés au laboratoire par l'entrepreneur lui-même, et en fin la mauvaise qualité du béton ». Mais la défense a tenté de contredire ces conclusions. Elle attirera à cet effet l'attention du juge sur le fait que « la commission a travaillé durant un mois et passé les 20 premiers jours dans la collecte des documents ». La défense et les accusés, dont les représentants du CTC, ont remis en cause les expertises elles-mêmes. Réitérant les propos tenus la veille, F. Benghanem, accusé à titre de cadre du CTC, a réaffirmé que le suivi s'était fait correctement et qu'à chaque fois, les réserves du CTC ont été levées. Pour ce qui est de la réception des fonds de fouilles « malgré les réserves de l'organe de contrôle », le représentant du CTC a expliqué qu'après les remarques, les fouilles des bâtiments A et B avaient été revues dans le cadre de la révision faite par le bureau d'études. Les accusés et les avocats ont soutenu, pour leur part, que les travaux étaient conformes au règlement parasismique de 1999, imputant ainsi l'écroulement des bâtiments à la force du séisme qui était quatre fois supérieur à l'intensité prévue dans les études. Dans l'après-midi, le tribunal a traité le dossier des 80 logements. Comme la veille, le juge a commencé par entendre l'ex-directeur général de l'OPGI de Boumerdès, Heni Adda Kamel, qui s'est montré tout aussi désarmé que le premier jour. « Je ne maîtrise pas les termes techniques », a-t-il répondu à une question du procureur relative au suivi des travaux. A une autre question, portant sur les preuves matérielles du suivi des travaux (PV de réunions et autres), l'ex-DG de l'OPGI a répondu qu'il n'en a pas et conclura : « Je ne me suis aperçu des irrégularités qu'après le séisme. » Encore une fois, les « experts » de la commission gouvernementale et ceux désignés par le juge instructeur, dont un n'est qu'architecte, reviendront à la charge pour accabler les huit accusés poursuivis pour « homicide involontaire, blessures involontaires, fraude dans la qualité et quantité des matériaux de construction et non-respect des normes et de la réglementation » dans cet autre dossier. Les « preuves » contredites Ils ont conclu que les bâtiments se sont effondrés à cause de « la forte magnitude du séisme, de la non-conformité de la conception de la structure au règlement parasismique, des insuffisances du dossier de génie civile, du partage de la même infrastructure entre plusieurs bâtiments, de la mauvaise qualité des matériaux ». Les avocats, eux, se sont attaqués aux « contradictions contenues dans le rapport d'expertise » et ont apporté la contradiction aux « preuves » des enquêteurs. Jeudi dernier, le juge Redouane Benabdallah a enrôlé les dossiers des cités des 20 Logements de Sidi Daoud, des 50 Logements de Dellys et celui de la cité des 20 Logements de Tidjelabine. L'audience s'est attardée sur le cas de Dellys où l'on avait enregistré 84 décès. Des citoyens qui, pour la majorité, avaient été surpris par le séisme dans une fête. L'expert Hadj Aïssa de la commission installée par le ministère de l'Habitat a déclaré au juge que les dégâts occasionnés étaient essentiellement dus à la force du séisme, mais « les insuffisances dans l'acte de bâtir étaient aussi pour beaucoup dans ce qui s'est produit ». Parmi ces irrégularités, il citera l'inclinaison du sol, l'existence d'eaux souterraines dans les fouilles, l'absence d'un mur de soutènement et la mauvaise qualité du béton. Les accusés se défendront en faisant remarquer que les travaux avaient toujours été, à chaque étape, vérifiés et réceptionnés par le CTC. Pour les 20 logements de Tidjelabine, le juge et le procureur de la République ont signifié à M. Loubar, l'expert désigné par le juge instructeur, que son expertise est vide, car elle ne fait que reprendre les conclusions de celle de la commission du gouvernement. Celui-ci se trouvera en effet dans une position fort inconfortable lorsque le magistrat et le procureur, tout comme les avocats des plaignants le mettront au pied du mur en lui demandant de prouver qu'il a réellement enquêté avant d'arriver à la conclusion que « les habitations ont été endommagées à cause de la forte intensité du séisme ». Pour ce projet, la commission a aussi conclu que « les éprouvettes prélevées pour les tests et le béton utilisé semblent n'avoir aucun rapport ». Ce qui laisse entendre que l'entrepreneur utilisait un autre béton que celui qu'il faisait analyser. A travers leurs questions, les avocats ont tenté d'arracher aux différentes parties des éléments sur lesquels construire leurs plaidoiries qui interviendront après l'audition de tous les accusés, les témoins et les victimes qui sont plus de 400. Un expert a clairement répondu à une question de Me Bourayou en disant que même si les habitations avaient été construites dans le respect total des normes du règlement parasismique de 1999, les dégâts auraient été aussi importants.