Premier importateur mondial de blé (un peu plus de 900 000 t en 2005), l'Algérie sera-t-elle en mesure de s'assurer cette année et, encore pire, les années prochaines un aussi important volume d'approvisionnement de cette denrée ? Rien n'est moins sûr, au regard des réductions drastiques, voire des pénuries qui affectent déjà les plus gros producteurs mondiaux de blé que sont les Etats-Unis d'Amérique et certains pays d'Europe. Outre la moindre abondance de cette denrée alimentaire de base sur les grands marchés internationaux, les prix de vente ont été propulsés à des niveaux pour le moins ahurissants. Le prix moyen de la tonne de blé, qui n'était que de 88 euros au cours des trois dernières années, a largement dépassé les 180 euros, ces toutes dernières semaines, et tout porte à croire qu'ils n'arrêteront pas de grimper, favorisés en cela par un contexte de pénurie aggravé par les spéculations boursières et autres transactions informelles, qui surgissent fatalement en pareil cas. Plusieurs facteurs conjoncturels, mais aussi et surtout structurels sont à l'origine de ce rétrécissement de l'offre de céréales en général (maïs, orge, etc.) et du blé en particulier. La sécheresse qui affecte depuis au minimum quatre années consécutives les principaux pays producteurs, mais également les productions locales qui servaient d'appoint à l'offre mondiale, constitue la cause conjoncturelle que l'on craint toutefois de s'ériger en cause structurelle en raison du dérèglement climatique qui se serait installé dans la durée, de l'avis des plus sérieux climatologues. Les déterminants structurels sont, quant à eux, plus nombreux. On citera en premier lieu la baisse des stocks dans les principaux pays producteurs qui se trouvent être de par l'importance de leur population de grands consommateurs. Cette moindre abondance de céréales aurait même tendance à virer en pénurie en raison des rétentions de stocks effectuées par certains pays, parfaitement conscients que le blé peut, dans certains cas, constituer une véritable arme que redoutent tout particulièrement les pays les plus pauvres. L'autre cause et non des moindres, à l'origine de cette baisse drastique de la production mondiale de blé, réside dans la tendance à affecter d'importantes surfaces autrefois réservées aux cultures de céréales, à la culture de plantes (soja, tournesol) destinées à la production de biocarburants qui rapportent gros. Ce sont des centaines de milliers d'hectares qui auraient ainsi été détournés de leur vocation céréalière à travers le monde, selon les estimations de la FAO. Au regard des incitations fiscales et des gros bénéfices réalisés par les producteurs de végétaux destinés à l'industrie des biocarburants, cette tendance n'a vraiment aucune chance de s'estomper. Il est également bon de citer, parmi les causes structurelles, l'obligation faite par la CEE aux producteurs de céréales européens de maintenir en jachère au minimum 10% de leurs surfaces cultivables. Ce sont autant de surfaces souvent à haut rendement, qui sont ainsi soustraites du potentiel de production de céréales en général et de blé en particulier. Selon de récentes informations, la CEE s'achemine vers la suppression de cette directive. Quelle conséquence pourrait avoir cette restriction mondiale de blé sur l'Algérie, sachant que cette denrée qui constitue l'aliment de base des Algériens poserait problème si elle venait à manquer. A moins que les responsables concernés, informés des années à l'avance de cette pénurie, aient déjà engagé des commandes fermes, on ne voit pas comment le pays pourrait échapper à une rupture d'approvisionnement de blé. Les résultats plutôt mitigés de nos récoltes durant ces cinq dernières années et celle, peu reluisante, prévue pour 2007, sont de nature à augmenter les besoins d'importation du pays, qui dépasseraient allégrement les 1,2 millions de tonnes (maïs compris) aujourd'hui. A noter qu'en raison des prix exagérément élevés de la pomme de terre (plus de 60 DA/kg), beaucoup d'Algériens ont été forcés de se rabattre sur la consommation de pâtes alimentaires et de semoules à base de blé. De l'avis d'un industriel algérien de l'agroalimentaire, l'Algérie pulvérisera cette année tous les records de consommation de blé. Une denrée stratégique, dont elle n'est malheureusement capable d'assurer qu'une infime quantité, les rendements algériens étant les plus faibles de tout le bassin méditerranéen.