La lutte contre la corruption en Algérie n'a visiblement pas beaucoup avancé. En dépit des discours triomphalistes des pouvoirs publics, le phénomène continuerait de gangrener de bout en bout l'économie nationale. Selon un rapport de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), rendu public hier, le mal ronge tous les secteurs « sans exception ». La cible est, cette fois-ci, l'énorme manne financière du programme de soutien à la relance économique (PSRE). Le rapport de l'AACC, section algérienne de Transparency International, fait état de plusieurs cas de dépassements et tire la sonnette d'alarme. « L'actualité de ces derniers mois en Algérie est marquée par une explosion sans précédent de la corruption à tous les niveaux et dans tous les secteurs d'activité, sans aucune exception », lit-on dans ce document. La gangrène a atteint toutes les institutions de la République dans une sorte de concurrence criminelle entre clans mafieux, concurrence qui ne semble marquée par aucune limite », poursuit le rapport. L'explosion du phénomène est alimentée, selon l'AACC, par les budgets faramineux injectés par le gouvernement dans le PSRE. « Des budgets qui sont sans cesse revus à la hausse et élastiques à souhait par la seule volonté de l'Exécutif au plus haut niveau de l'Etat », note le même rapport. L'AACC met en cause, à cet effet, la conclusion de marchés de gré à gré qui est, estiment les rédacteurs de ce rapport, devenue une pratique « généralisée ». Dans ce sens, l'AACC cite l'exemple des derniers Jeux africains d'Alger, organisés du 11 au 23 juillet en cours. « Lorsque le 12 mars dernier, l'AACC rendait public un communiqué intitulé ‘‘Les Jeux africains d'Alger livrés à la loi du gré à gré. Un arrêté interministériel qui tourne le dos à la transparence'', communiqué qui lui a permis de recevoir de nombreux témoignages édifiants à ce sujet, elle était loin de s'imaginer que la corruption allait prendre de telles proportions et que les multiples budgets et ressources financières dégagés pour financer ces jeux allaient être autant détournés et dilapidés, la gabegie et le gaspillage faisant le reste », explique la même source. L'opacité dans la gestion des deniers publics et le gré à gré, souligne encore l'AACC, touchent tous les secteurs : tourisme, agriculture, transport, pêche, santé, justice, culture, poste et technologies de la communication et finances. « Le gouvernement veut faire du gré à gré la règle, ce qui conviendrait à geler de fait la réglementation actuelle sur les marchés publics, réglementation déjà lacunaire et très insuffisante et que les pouvoirs publics envisagent de libéraliser davantage au motif qu'elle devient un obstacle à la réalisation du programme du chef de l'Etat », relève le communiqué, en précisant que la mesure du gré à gré est utilisée exceptionnellement dans des situations de grande urgence comme les catastrophes naturelles, mais avec des garde-fous. Le rapport soulève, en effet, « de graves cas de corruption dans la gestion de l'Etablissement national de la navigation aérienne (ENNA) ». « Par complaisance et pour la défense d'intérêts personnels, des fonctionnaires de la justice et de la brigade économique ont torpillé l'enquête sur la gestion de l'ENNA », lit-on dans ce rapport. Dans le secteur de la pêche, l'AACC note « la mauvaise gestion des ressources halieutiques », notamment « l'achat auprès d'une firme turque de bateaux de pêche inadaptés et non opérationnels à ce jour ». « Un marché, estime l'association, opaque piloté par le ministère de la Pêche. » Concernant la santé, le document signale que « ce secteur est le plus corrompu du pays », en évoquant « la mafia des médicaments ». « La mafia du médicament a fait totalement main basse sur plus d'un milliard de dollars en importation annuelle de produits pharmaceutiques », indique l'AACC. Elle soulève, en outre, « la mauvaise gestion de l'éternel chantier de l'EHU d'Oran ». Dans le secteur de la justice, l'AACC cite le cas du conseiller du président de la République « parrain spécialisé en marchés publics distribués aux entreprises étrangères qui acceptent de verser des pots-de-vin » dont le procès s'est tenu d'une manière expéditive. Le rapport affirme, en conclusion, « l'absence de volonté politique à lutter contre la corruption ».