La chambre d'accusation de la cour d'Alger a renvoyé hier le dossier Achour Abderrahmane, principal accusé dans le scandale de la BNA, devant le tribunal criminel de la même juridiction. La demande de liberté provisoire et de requalification des faits (en correctionnelle) introduite par les avocats de Achour a été de ce fait rejetée. L'affaire sera donc programmée au rôle de la prochaine session criminelle. La décision de confirmer l'ensemble des chefs d'accusation retenus par une instruction controversée a laissé perplexes certains avocats. Selon certains, le voile pourrait ne jamais être levé sur ce scandale qui a causé un préjudice de 32 milliards de dinars à la BNA, une banque publique. Au centre de ce scandale, le richissime commerçant natif de Koléa, Achour Abderrahmane, et des membres de sa belle-famille. Depuis l'éclatement de cette affaire en octobre 2005, à la suite d'une lettre anonyme adressée aux plus hautes autorités du pays, une trentaine de personnes ont été inculpées, durant une instruction dont le compteur a été remis à zéro, après l'extradition du Maroc de Baghdad Settouf, un des beaux-frères et associé de Achour Abderrahmane. Dans ce dossier, en plus de Achour Abderrahmane, de ses associés, de sa secrétaire et de son épouse, ont été également inculpés les responsables des agences BNA de Bouzaréah, de Zighoud Youcef, de Cherchell, de Koléa, ainsi que l'ex-PDG de la BNA, son inspecteur général, le directeur régional et celui du réseau exploitation, deux commissaires aux comptes, deux experts-comptables, le directeur du service informatique pour, entre autres, association de malfaiteurs, dilapidation de deniers publics, faux en écriture bancaire, escroquerie et chèques sans provision. L'enquête menée par le doyen des juges d'instruction près le tribunal de Sid M'hamed s'est soldée par la mise sous mandat de dépôt de 15 personnes, notamment les responsables des agences, et des mandats d'arrêt, dont un international, à l'encontre de l'ex-directeur de l'agence BNA de Bouzaréah, actuellement à Londres. De nombreuses anomalies ont été relevées dans l'arrêt du juge d'instruction, endossé hier par la chambre d'accusation. A la lecture de ce document, il s'avère que le juge n'a pas interrogé le principal accusé, Achour Abderrahmane, sur les achats de biens immobiliers et les cadeaux, notamment des billets d'avion pour des destinations de rêve ou encore des prises en charge dans des hôtels luxueux à l'étranger, offerts à des fonctionnaires et des responsables de l'Etat. Le juge s'est limité uniquement aux traites et chèques de cavalerie, laissant de côté tout ce qui pourrait éclabousser des personnalités de l'Etat. Il n'a pas approfondi l'enquête sur l'origine des fonds de Achour, de sa belle-famille et associés, subtilisés à la banque, du fait qu'ils ont été amassés durant les années 1999-2005, au cours desquelles il a commencé ses transactions frauduleuses. Entre 2000 et 2005, Achour a bénéficié d'au moins une vingtaine de prêts d'une valeur de 650 millions de dinars chacun, sur la base de garanties souvent surévaluées et ne couvrant même pas le dixième du crédit. Plus grave, Achour qui a déclaré au juge que l'origine de sa fortune est un bon de caisse d'une valeur de 650 millions de dinars, hérité de son père, vient d'être contredit par son unique frère. Dans une déclaration à la presse, celui-ci a nié l'existence d'un quelconque héritage, en précisant que la fortune de Achour n'a aucun lien avec les maigres biens de la famille. Des révélations qui auraient pu donner une autre tournure au dossier si le juge d'instruction avait poussé son enquête plus loin, au lieu de rester dans le superficiel. Force est de croire que, quelque part, il y a une volonté délibérée qui veut à tout prix faire en sorte que la vérité sur le dossier Achour Abderrahmane ne soit pas connue de sitôt.