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Les décisions de justice, le sens des jugements
Procès du séisme de Boumerdès-Zemmouri (21 mai 2003)
Publié dans El Watan le 12 - 08 - 2007

Dernièrement, la presse a rapporté les verdicts des peines prononcées dans le procès ouvert pour juger les responsabilités dans le séisme de Zemmouri, dans la wilaya de Boumerdès.
Selon les journaux, les peines ont touché les exécutants de l'acte à bâtir, c'est-à-dire certains entrepreneurs de réalisation, des cadres du CTC chargés du contrôle technique des constructions, certains bureaux d'études, initiateurs des plans de construction... Les peines prononcées n'étaient pas accompagnées de mandats d'arrêts ; cela laisse les accusés en liberté provisoire momentanément en attendant la décision définitive de la cour. C'est aussi un intermède pour les accusés afin d'organiser et d'introduire leurs recours... Les éditions des journaux du Soir d'Algérie, d'El Watan et de Liberté, des dates 14/7, 16/7, 28/7, 01/08, synthétisent quelque peu le déroulement du procès et la synthèse des sentences prononcées. J'ai décidé de réagir aujourd'hui par rapport à ce procès parce qu'en vérité, j'avais la certitude que le profil des sanctions qui seront prononcées était connu d'avance. II fallait prononcer des sanctions pour simplement classer le procès et surtout le dossier. Le lecteur comprendra pourquoi, à la fin de la lecture de ce texte. Qu'en est-il et qu'en a été exactement la stratégie publique pour le secteur de l'habitat et de l'urbanisme vis-à-vis des plans et des programmes de construction et de réalisation de logements et de l'habitat en Algérie ? Je vois deux caractéristiques permanentes à cette stratégie :
1 Les plans et les programmes nationaux d'habitat (ils se sont déroulés et se sont succédé et pilotés par les organismes publics Cnep, AADL, OPGI, EPLF, certains promoteurs privés pour un petit segment de la demande...) ont tous été conçus sur un schéma inchangé de réalisation basé sur des « programmes-masses » (quelque milliers de logements). Concrètement, cela s'est manifesté par des lancements cinétiques de chantiers de réalisation dans les périphéries des villes d'Algérie (grandes, moyennes, petites...). Les maturations des programmes étaient très dénonçables et discutables. Ils ont accaparé sans retour des emprises libres de terrains et zones de terres libres tout autour des villes, sur des réserves de terres facilement requisionnables. Les ratios brutes des réalisations ont manqué de transparence, si bien que les chiffres des réalisations ont subi les techniques de report d'un programme sur le suivant. Malgré l'amplitude officielle de ces programmes, le secteur de tutelle est toujours dépourvu de cellule de chiffres en la matière.
2 En parallèle et au niveau rural, des objectifs de même type et de même nature ont créé et donné naissance à la procédure du système dit d'« auto-construction ». Le citoyen recevait machinalement une assistance initiale de la part de l'Etat pour lancer sa construction dès lors que celui-ci exhibe l'existence d'une plate-forme de terrain. Les moyens limités du citoyen qui s'avèrent, par la suite, le tournage de la machine dite « avance des 500 000 DA » par les mairies et qui ne peut pas être sélective désormais, le peu d'entrain de la puissance publique à synthématiser le contrôle des constructions décidées, tout ça a suscité les restes de la dérive en provoquant des défrichements et des mises en jachère pour des bons de terres et laisser place à une politique d'occupation de celles-ci qui ont généré le plus grand mal environnemental pour l'Algérie. La procédure d'autoconstruction est maintenant ancienne, ses effets ont produit des ravages sur l'aménagement des territoires, l'urbanisation des villes, la qualité et la solidité des constructions. Malheureusement, la tendance va s'accroître dans le proche futur si le ministère délégué aux zones rurales retient définitivement dans ses programmes, dits de développement rural, son nouveau dispositif qui délègue par ses pouvoirs et celui du ministère lui-même la reconfiguration du développement industriel dans les zones rurales. Un nouveau dispositif soutenu, lui aussi, par l'apport de fonds de l'Etat, à l'image des dispositifs Ansej, Cnac, Engem, Calpi. Résumée ainsi en ces deux points, cela a été la toute et la seule stratégie qui a été adoptée, lancée et mise en œuvre par les pouvoirs publics. Une stratégie machinale, machiniste et ancienne qui remonte sans se tromper aux années 1970… En corollaire et a posteriori, maintenant, il n'y a pas beaucoup à relever sur la qualité de la stratégie, sur son système de promotion de l'habitat, et sur l'accompagnement des précautions et effets induits sur l'environnement, l'écologie et l'urbanisme… On peut nommer tous les aspects liés aux mesures et procédures d'accompagnement des constructions : les modèles d'implantation des VRD, les modèles pour canaliser les conduites de gaz, les techniques de branchement et de distribution d'électricité, les conduites d'adduction d'eau, l'organisation des dépôts d'ordures ménagères, etc. Toutes ces mesures d'accompagnement de l'acte à bâtir n'ont pas été respectées. Tous ces travaux corollaires de l'acte à bâtir ont été exécutés avec des tuyauteries en plastique non conformes ou certifiées, sur des sites de connexion au gaz non protégés parfois à ciel ouvert, des logements sans contrôle, des matériaux de construction de sous qualité (briques, ourdis, parpaings, sable et ferraille ont été incriminés, etc.). Autant d'anomalies qui constituent des bombes à retardement sérieuses qui ne manqueront pas de se manifester pour les générations futures et qui devront, hélas, maintenir ou réparer l'irréparable, car les infrastructures en cause sont de qualité mauvaise et sont enfouies sous terre, sans plans de pose ou à peine des brouillons de plans de pose. La pose de ces infrastructures s'écarte ouvertement des normes standard, de la certification et de l'agrégation technique. Nous sommes encore une fois en observation de notre justice qui échoue lamentablement dans sa démarche en prononçant à l'avance des sanctions toutes identiques aux sanctions prononcées à l'encontre des cadres de la Cnan ou de AT Algérie Télécom. Des décisions de justice qui ne font pas de distinguo entre sanctionner des personnes et des procédures. Toutes les tares et les faiblesses rapportées et reprochées dans les procès de la Cnan et de At sont restées en l'état. La Cnan ne trouve pas d'acquéreur pour son ouverture ou son rachat, le port Alger est plus embouteillé qu'avant. Il compromet la sécurité de la ville d'Alger et l'étrangle, et on commence à le voir à cause de l'adjonction d'infrastructures incompatibles lourdes et gênantes. Le parc algérien du Web ne dépasse guère 3000 sites, dont la moitié est étrangère d'ailleurs (notre bureau d'études qui a construit l'annuaire algérien des sites Web a cette estimation chiffrée). Revenons à l'incarcération des cadres de l'habitat. Je pense que les associations professionnelles du secteur, à l'image de l'Union des ingénieurs de la construction (Unic), du Syndicat national des architectes, de l'Ordre national des architectes..., doivent s'exprimer et fédérer dans cette affaire et rapporter en public leurs points de vue appréciatifs par rapport à cette décision de justice malaxée. L'inquiétude maintenant est qu'il est à craindre que notre justice s'accommode de telles décisions vis-à-vis de dossiers techniques, que même les experts techniques convoqués n'ont pas défendus spécifiquement à mon avis. Tels que ces types de décision qui font faire jurisprudence pour l'avenir du pays et les générations futures lesquelles vivront des temps où la position dominante naturelle des sciences, des techniques et des technologies sera défavorisée et bafouée. Les décisions de justice qui viennent d'être prises provoquent des appels de conscience devant lesquels il est impossible de se taire. En fait, nous devons tous reconnaître que si le séisme de mai 2003 s'il eût lieu à Témouchent, à Relizane, à Médéa, à Aïn Bessam, à Sétif, à Constantine, à Ouargla ou à El Tarf... les conséquences du désastre seraient strictement les mêmes... et nous l'avons du reste vécu et vu, car nous avons fait les mêmes constats avec le séisme de Chlef (1980), Tipaza (1992), Mascara, Zemmouri, Bougaâ dernièrement... Alors, il est évident que la faute incombe au système de construction dans son ensemble avec sa politique qui a pour tutelle unique les pouvoirs publics. Les cadres, les ingénieurs, les bureaux d'études isolément n'y sont pour rien ou s'ils sont pour quelque chose, ils le sont au côté de la condamnation de ce système. On aurait prononcé justement une peine morale à l'encontre du système de promotion de l'habitat lequel devra alors se mettre debout pour se corriger ou laisser la place à la compétence des métiers. Alors, dans ce cas, il y aura une jurisprudence intéressante et salvatrice pour le futur des générations. En conclusion, il est difficile dans un pays, où le programme d'importations massives dicte la qualité des programmes de l'habitat, de circonscrire toutes les anomalies et les lacunes de ces programmes. Même le général Khaled Nezzar dans son dernier écrit à El Watan explique que lorsqu'on est en position de difficultés, il est douloureux de décrier ou de légitimer ces programmes. Et paradoxalement, c'est le point focal et nodal de l'argumentation de Belaïd Abdesslam qui voulait aller jusqu'à serrer la ceinture en cette période difficile vécue par l'Algérie. Des moments pendant lesquels le financement de la contrainte sécuritaire et sociale se posait de manière étranglante. Dernièrement, en Grande-Bretagne, le gouvernement de Gordon Brown a décidé de lancer un programme de réalisation de logements (3 millions de logements). Il a fixé une échéance nominale à 2020 (13 ans). Ce programme est destiné à rattraper le retard en la matière. La Grande-Bretagne est une puissance industrielle rodée et qui a affiché ces dernières années un taux de croissance soutenu qui a été capable de juguler la courbe du chômage en Angleterre. Maintenant, chez nous, l'observation nationale a la chance de s'ouvrir aux dossiers techniques... alors, traitons-les bien. Dans de précédents articles, je n'ai pas arrêté de souligner qu'il faut développer les syndicats libres professionnels et sortir des schémas dits fédéraux de l'UGTA. En particulier, il faut rapidement remettre sur pied l'Union nationale des ingénieurs en Algérie (Unia), cette organisation qui a l'habitude de ne pas tricher avec la science.
L'auteur est Ingénieur polytechnicien, économiste Ancien responsable à l'UNIA


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