Il aura fallu beaucoup de sang-froid, mercredi 8 août, malgré la chaleur de cette après-midi pour calmer les esprits des uns et des autres au poste frontalier tunisien de Melloul, à quelques kilomètres avant Tabarka. Un geste regrettable, mais tout aussi inacceptable du chef de ce poste a failli tourner au drame. Nouvellement installé, mais déjà critiqué pour ses accès de colère, le chef de la police des frontières tunisien a jeté par terre un paquet d'une trentaine de passeports algériens que réclamaient leurs propriétaires, excédés par une longue attente et les trop nombreux passe-droits. Le responsable tunisien ne s'en est pas tenu malheureusement à cela, puisqu'il a, selon de nombreux témoignages, dont ceux des fonctionnaires tunisiens de ce poste, accompagné son geste de paroles discriminatoires, d'insultes et d'obscénités. Il n'en fallait pas plus pour déclencher les protestations et l'ire des passagers algériens, pratiquement tous en famille. C'est de peu que le chef aura échappé à une correction en règle. Il aurait cependant été un peu bousculé et les Algériens, qui étaient un peu plus de 6000 ce jour-là, ont bien entendu vivement protesté et demandé plus d'égard et de respect. Ces protestations trop violentes au goût des Tunisiens ont donné l'occasion aux autorités locales de faire intervenir en urgence les forces de sécurité stationnées à Tabarka. La salle du poste de police a été évacuée de force. La matraque a été utilisée contre les récalcitrants dont d'honorables chefs de famille. Il n'y a pas eu de refoulés, mais une vingtaine de familles profondément atteintes dans leur dignité ont rebroussé chemin, promettant de ne plus remettre les pieds en Tunisie. On se souvient particulièrement d'un médecin d'Alger et de sa famille qui figurent parmi les premiers revenus au poste algérien. Manifestement touché par cet incident, il a supplié publiquement les passagers de ne pas se rendre en Tunisie pour préserver ce qu'il leur reste encore de dignité. « Bien sûr, on ne pouvait pas le laisser faire, mais nous étions de tout cœur avec lui », nous ont avoué des pafistes qui ont noté qu'après cela beaucoup ont rebroussé chemin. Le passage frontalier Om Teboul-Tabarka est le premier du pays en nombre de passages. Il est à 6000 passagers/jour actuellement. Dans quelques jours, il passera à 8000. C'est par ces postes que passent plus de la moitié des touristes algériens qui se rendent en Tunisie et qui seront près d'un million en 2007, estime-t-on. C'est plus fluide par le passage El Aïoun-Aïn Draham parce que là-bas les deux postes algérien et tunisien se font face, séparés par les seuls 50 m de la tranchée pare-feu de Fedj Kahla. L'Algérie a fait l'effort d'ouvrir le nouveau poste d'Om Teboul au prix de sacrifier le confort le plus élémentaire des pafistes et des douaniers qui y sont affectés, mais cela s'était avéré indispensable pour améliorer le déroulement des formalités. En face, le poste tunisien est achevé, mais nous dit-on, comme il n'y a pas d'eau et d'électricité, il n'a pas été mis en service, et cela dure. « Tout cela arrange bien certains fonctionnaires tunisiens du poste Melloul. » L'exiguïté des lieux et le personnel ne sont pas à la mesure de l'importance que constitue ce passage pour les deux pays. A moins que cela ne soit délibéré pour laisser l'usage de la jolie Tabarka aux seuls touristes européens. Pas trop d'Arabes, sinon cela ferait désordre. Des fonctionnaires de Melloul provoquent en fait la foule pour mieux lui extorquer de l'argent. Tous les passagers que nous avons interrogés ont reconnu avoir été contraints de donner de l'argent pour faire avancer les formalités. Mais il est arrivé un moment où c'est la surenchère. Même ceux qui ont donné se font doubler par les fraudeurs algériens qui sont de mèche avec eux ou des passagers tunisiens qui sont prioritaires – parce que Tunisiens. Nous avons également appris que les responsables régionaux de la PAF et le consul d'Algérie se sont rendus sur les lieux pour s'informer de la situation. Hier, les passagers en provenance de Tabarka ont rapporté que c'est plus fluide, mais que l'arrogance et l'extorsion sont toujours de mise. On n'entre dans le poste que si on est appelé individuellement. Les passagers sont tenus à l'extérieur, sous le soleil, derrière des barrières de protection de la police. « Qu'est-ce qu'ils se sont racontés à la grande commission mixte de la semaine dernière ? »