Convaincu qu'il ne peut y avoir de paix dans la région tant que les Palestiniens resteront divisés, le président du Conseil s'est vu rappeler à l'ordre par son propre parti, l'opposition de droite et la communauté juive italienne. Rome. De notre correspondante Le chef du gouvernement italien a certainement connu des étés plus cléments. Mais ni la canicule, ni les feux de forêt, ni encore la hausse vertigineuse du prix du carburant, pas même la crise politique au sein de sa coalition, n'y sont, cette fois pour rien dans son amertume. Pourtant, le président du Conseil italien n'a fait qu'affirmer tout haut ce que plusieurs leaders européens ont commencé à dire, pas si bas que cela. Autrement dit, croire à la chimère que la paix entre Palestiniens et Israéliens puisse se sceller en ignorant une partie importante de la réalité politique et sociale des Palestiniens est pur aveuglement. M. Prodi avait déclaré, dimanche soir, lors d'un meeting organisé par l'université d'été tenue dans la localité de Roccamare (Toscane), en hommage à l'homme politique catholique italien Giorgio da Pera, rencontre à laquelle ont pris part des dizaines de jeunes européens, mais également palestiniens et israéliens, que « Hamas existe. Il faut l'aider à évoluer. ». Se disant convaincu qu'il ne peut y avoir de paix dans la région tant que les Palestiniens resteront divisés, M. Prodi s'est vu rappeler à l'ordre par l'opposition de droite qui a exigé de lui de rendre compte au Parlement. La presse italienne a pris le relais, pour donner la parole aux dirigeants des organisations de la communauté juive d'Italie, la plus ancienne et parmi les plus influentes d'Europe, qui se sont dit « surpris et déçus » de cette prise de position de Prodi. Mais les critiques les plus douloureuses, Il Professore (comme l'appellent ses concitoyens) les a essuyées également des membres de sa propre majorité, dont la ministre du Commerce, la radicale Emma Bonino. Il faut rappeler que le leader du parti des Démocrates de gauche, Piero Fassino, avait déclaré, il y a quelques jours, lors de sa visite à Al Qods occupé : « Aucun dialogue n'est possible avec Hamas, au vu des conditions actuelles. » Ce qui avait sonné comme un désaveu public des propos du ministre des Affaires étrangères Massimo D'Alema, ennemi numéro un des pro-Israéliens en Italie, qui lui, s'était dit favorable à impliquer dans le dialogue pour la paix, le mouvement islamiste de Khaled Machâal. Cela avait suffi pour faire de lui la victime expiatoire d'une classe politique italienne, – fortement appuyée par des intellectuels acquis plume et âme aux thèses de Ehud Olmert et de son gouvernement – qui a épousé depuis des années la cause de Tel Aviv, sans discerner entre bourreaux et victimes. Et tous ceux qui ont le tort de soutenir le contraire ou d'exprimer la moindre ouverture vers des mouvements comme Hamas ou Hezbollah, sont ouvertement taxés d'« amis des terroristes ». Car le ver est déjà dans le fruit : une campagne anti-arabe et islamophobe a engendré dans l'esprit de plusieurs, en Italie, une telle confusion que ces deux mouvements politiques sont assimilés sans appel à l'organisation terroriste Al Qaïda et personne n'ose plus crier à l'amalgame et à la manipulation. Le chef de la diplomatie italienne en sait quelque chose, lui qui avait découvert, le matin de son retour d'une visite au Liban, l'an dernier, sur les murs de Rome, des affiches qui le montraient marcher dans les rues de Beyrouth en donnant le bras à un député de Hezbollah. L'opposition avait passé la nuit à imprimer ces manifestes pour démontrer ce qui, selon elle, était « la preuve que D'Alema est l'ami des terroristes ». Le président de la République, Giorgio Napolitano, a été jusqu'à assimiler les anti-sionistes avec les antisémites, appelant « à combattre l'anti-sionisme car derrière lui se cache et se justifie l'antisémitisme ». Mais voilà que M. Prodi lui-même, mis sous pression par le gouvernement israélien, qui a réagi promptement aux dernières déclarations du président du Conseil italien, exprimant « son extrême préoccupation », à quoi s'ajoute « l'indignation » de l'opposition et d'une partie de la coalition de gauche, a fait hier, une spectaculaire marche arrière, ralliant la position des radicaux. Par la voix de son porte-parole Silvio Sirchana, M. Prodi a affirmé que « l'Italie n'a pas changé de position vis-à-vis de Hamas et que les conditions posées à ce mouvement sont bien claires. La reconnaissance de l'Etat d'Israël et la fin du terrorisme ». L'ancien président de la Commission européenne se serait bien passé de cette énième volte-face obligée, surtout que les dirigeants de Hamas l'avaient publiquement remercié (avant qu'il ne revienne sur ses propos). La crédibilité de M. Prodi a été mise à rude épreuve lors d'autres occasions. Il y a quelques jours, face à son annonce de vouloir se servir des réserves en or de la Banque d'Italie pour réduire les dettes publiques, M. Prodi s'était vu « gronder » par la Banque Centrale Européenne qui lui avait rappelé être le seul organisme autorisé à gérer ce patrimoine. Plus récemment, suite à la mort tragique de 4 enfants d'une famille de Rome vivant dans un bidonville aux portes de la ville de Livourne, M. Prodi avait qualifié la marginalisation de cette minorité « de problème complexe qui concerne toute l'Europe et auquel il faut trouver une solution globale. » La réponse cinglante du porte-parole de la Commission européenne lui est vite parvenue. « Les normes pour protéger et aider à s'intégrer au profit de ces populations existent. L'Italie n'a qu'à les appliquer », ajoutant qu'une procédure pour infraction pend toujours sur l'Italie pour non-application des normes contre la discrimination pour motifs raciaux et ethniques. Décidément, l'été 2007 n'aura pas été tendre avec il Professore.