L'organisation de défense des journalistes Reporters sans frontières (RSF) affirme que le roi Mohammed VI porte la responsabilité de la récente dégradation de la liberté de la presse au Maroc. « Aujourd'hui, nous voulons tirer la sonnette d'alarme. Le Maroc est sur une pente dangereuse. Et vous en portez la responsabilité », affirme son secrétaire général Robert Ménard, dans une lettre adressée au souverain, rendue publique hier. Rappelant que le monarque avait affirmé en 2002 qu'il « ne pourrait y avoir d'essor et de développement pour l'avènement d'une presse de qualité sans l'exercice de la liberté d'expression », RSF estime que « vos promesses sont restées à l'état de promesses. Les chiffres et les faits attestent que votre engagement d'alors n'a pas été tenu ». Selon cette organisation, depuis juillet 1999, « pas moins de 34 organes de presse ont été censurés et 20 journalistes ont été condamnés à des peines de prison ». « Ces condamnations n'honorent ni votre régime ni une justice qui apparaît à la botte des autorités. Vous ne pouvez à la fois expliquer que le Maroc est tourné vers l'avenir et la modernité et traiter ainsi une presse sans laquelle il serait vain de parler de démocratie », assure Robert Ménard. Ahmed Benchemsi, directeur du magazine arabophone Nichane et de l'hebdomdaire francophone TelQuel, passe actuellement en procès pour « manquement au respect dû au roi ». Dans un éditorial de Nichane rédigé début août en arabe dialectal, M. Benchemsi avait critiqué sur le mode de l'interpellation des propos du roi Mohammed VI lors de son discours du trône prononcé le 30 juillet, concernant les élections législatives du 7 septembre. Les deux journaux avaient été saisis. « En matière de répression contre les journalistes, les escalades, au Maroc, sont toujours particulièrement inattendues, fulgurantes et brutales », appuie d'ailleurs Benchemsi – dont le procès a été reporté au 7 novembre – dans un récent article. RSF avait alors indiqué qu' « Au Maroc, le code de la presse est un texte liberticide dans lequel les juges puisent allégrement pour faire condamner les journalistes. Par ailleurs, ce texte permet au gouvernement de faire saisir et détruire des publications, sans recours possible pour les victimes. Au cours de ces dernières années, la quasi-totalité des journalistes poursuivis en vertu de l'article 41 ont été systématiquement condamnés. En réalité, les journalistes ne gagnent jamais les procès intentés par l'Etat à leur encontre ».