Reporters sans frontières exige toujours la libération du journaliste Ali Lemrabet. L'organisation de défense de la liberté de la presse a failli gâcher les vacances du roi du Maroc. Grand amateur de ski, Mohammed VI a été surpris mardi par une manifestation de Reporters sans frontières (RSF) aux abords de sa résidence d'hiver à Courchevel sur les hauteurs des montagnes de Savoie. Une grande banderole déployée par les membres de RSF réclamait la libération d'Ali Lemrabet, rédacteur en chef de deux publications satiriques, Demain magazine et Doumane, condamné le 21 mai par le tribunal de Rabat à quatre ans de prison ferme pour «outrage à la personne du roi», «atteinte à l'intégrité territoriale», suite à un article sur le Sahara occidental, et «atteinte au régime monarchique». Le 17 juin, sa peine a été réduite en appel à trois ans de prison ferme. Depuis le 30 novembre, le journaliste observe une grève de la faim «illimitée» pour protester contre la «grave détérioration de ses conditions de détention». Son état est jugé inquiétant. Robert Ménard, secrétaire général de RSF, et quelques membres portant des tee-shirts rouges, ont allumé des fumigènes devant la propriété dans laquelle ils ont brièvement pu pénétrer avant d'être fermement priés par le gardien de quitter ce domaine privé, surveillé par des gendarmes qui ne sont pas intervenus. «Chaque fois que le roi se déplacera, on sera là pour lui rappeler que Ali Lemrabet est en prison pour avoir fait ce que font des journalistes satiriques partout dans le monde», a déclaré Robert Menard. Les premiers vacanciers arrivés sur les belles pistes de ski ont été surpris par l'agitation inhabituelle. Sur les tracts qui leur étaient distribués, ils pouvaient comtempler une fausse couverture du magazine Gala (spécialisé dans la vie des stars). Sous la photo du roi, on y lit: «Le roi du Maroc Mohammed VI à Courchevel. Méfiez-vous de cet homme, il est très susceptible!» De quoi faire faire un hors-piste au jeune monarque. L'affiche rappelle que «Ali Lemrabet est derrière les barreaux, au Maroc on ne badine pas avec Sa Majesté le Roi (...) on croyait le Maroc engagé sur la voie de la démocratie, de toute évidence on se trompait». RSF souligne, par ailleurs, le peu d'effet des «appels» de la France au respect des droits de l'homme et des libertés individuelles. Le président français, que l'on décrit comme «le second père» du souverain, n'a visiblement pas cherché à ramener à la raison son protégé auquel il assure un soutien indéfectible, notamment sur la question sahraouie. «Les conditions de détention d'Ali Lemrabet se sont détériorées depuis la récente visite officielle du président français Jacques Chirac au Maroc, en octobre. Les autres détenus de la prison de Salé (Rabat) sont menacés de sanctions disciplinaires s'ils adressent la parole à Ali», note RSF. Mohammed VI ne devrait pas avoir trop changé d'avis sur la liberté de la presse dans son pays, une fois les délices de la poudreuse et le vertige des pentes passés. Il a d'ailleurs préféré ses vacances au sommet de l'Union du Maghreb. Lors de sa récente visite à Paris, le président algérien n'a pas réussi à lui faire «loupé» sa villégiature savoyarde. L'ami parisien de Bouteflika n'a pas tenté non plus de lui prêter main-forte. De notre bureau à Paris