Dévoilé dans le détail devant un parterre de hauts responsables de l'Etat lors des assises nationales sur l'industrie (février 2007), le projet industriel intégré « Cap 2015 » du groupe Cevital avance à pas de charge du côté de son promoteur. Issad Rebrab a affirmé hier lors d'une conférence de presse la conclusion des premiers contrats avec des leaders mondiaux dès la fin de cette année. Par contre, du côté des pouvoirs publics, la cadence n'est pas au même rythme. Du moins à la vitesse souhaitée par le PDG de Cevital. Après plusieurs rencontres menées avec des ministres, M. Rebrab a fait part de l'audience que lui a accordée le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, lequel responsable l'a invité à déposer ces dossiers auprès du Conseil national des investissements (CNI) pour étude. Sans plus. Ceci au moment où le projet en question, dont le cœur est son hub portuaire de cap Djinet (70 km à l'est d'Alger), doit avancer face à une concurrence régionale de plus en plus agressive. C'est le cas de le vérifier avec les Marocains qui viennent de mettre en service le port de Tanger Med, ainsi que les Tunisiens et les Egyptiens qui se mettent à réaliser des infrastructures similaires. Et le patron de Cevital n'est pas près de délocaliser son projet sur une autre région du littoral. S'arrêtant sur ce point, M. Rebrab a soutenu, citant une étude menée sur toute la côte algérienne, que « nul autre site n'offre les avantages de cap Djinet », avant d'enchaîner : « C'est un site vierge et dégagé, il ne pose pas le problème de délocalisation de populations et est communiquant avec les réseaux routiers, autoroutiers et ferrés. » Pour plus de précisions, « Cap 2015 » est un projet industriel intégré développé autour d'un hub portuaire majeur à cap Djinet rejoignant un complexe logistique, industriel et énergétique intégré autour de 5 à 7 pôles d'activités. S'étendant à terme sur 5000 ha, le plan d'investissement prévoit cinq à sept complexes pétrochimiques, un complexe sidérurgique d'une capacité de 10 millions de tonnes d'acier/an (10 fois le complexe d'El Hadjar) qui, à son tour, alimentera en matière première un chantier de construction navale, une usine de fabrication de containers, ainsi qu'un complexe de montage automobile de 250 000 véhicules/an. Il est programmé aussi un complexe de fabrication et de transformation d'aluminium (760 000 à 1 million de tonnes). Dans le même ordre d'idée, le hub portuaire, le troisième du genre après ceux de Mers El Kebir (militaire) et Djendjen (Jijel), ferait de l'Algérie un point de dispatching du commerce mondial vers l'Afrique et les pays arabes. Sans compter l'effet réducteur de coûts sur la facture des importations algériennes. Actuellement, signale M. Rebrab, le transport d'un container entre le port de Marseille et Alger (800 km) revient à 1000 dollars US (USD), alors que cela ne dépasse pas les 500 USD entre Anvers et Singapour. Un surcoût aggravé par les mouillages en rade à raison parfois de 45 000 USD/ jour, fait remarquer le PDG de Cevital. Ledit projet générera par ailleurs quelque 100 000 emplois directs et un million d'autres indirects. Des postes indirects qui seront le fait du tissu de sous-traitance qui s'y développera, 1000 PME au total. « Nous allons investir en Europe » Le coût du projet est estimé à 20 milliards USD. C'est lourd comme investissement mais le concepteur de « Cap 2015 » rassure de la disponibilité des fonds. « Pas dans les caisses de Cevital évidemment », ironise-t-il, mais « à travers le monde ». Le seul effort à déployer est d'aller convaincre les multinationales et les bailleurs de fonds. « Nous sommes, affirme Issad Rebrab, en discussion avec des leaders mondiaux chacun dans sa spécialité. Ils sont partants notamment pour mettre de l'argent. Aussi, la seule chose que recherchent les grandes banques mondiales est la fructification de l'argent dans des projets structurants tels que le nôtre. » Dans ce sens, le mode privilégié est le « Project Financing » (le projet en lui-même constitue la garantie). La rentabilité est « garantie », certifie l'initiateur du projet avant d'indiquer que l'orientation export de « Cap 2015 » sera « une sécurité » pour l'économie nationale qui se libérerait de la dépendance vis-à-vis des fluctuations du marché pétrolier. Les prévisions situent les exportations en hors hydrocarbures à 15 milliards USD d'ici 2015 avant de doubler dans les quinze années suivantes, a souligné le conférencier. En attendant d'atteindre ces niveaux à long terme, le groupe Cevital, à travers ses filiales actuelles (agroalimentaire, verre plat, construction préfabriquée), ambitionne de devenir d'ici 2010 le deuxième exportateur d'Algérie après Sonatrach et le premier en hors hydrocarbures. Le marché de Cevital sera « le monde entier ou à défaut l'ensemble des pays », dira M. Rebrab dans son introduction avant d'annoncer le projet d'« investir » en Europe. Sans révéler les marchés ciblés, le conférencier fera part de l'intention d'absorber des entreprises européennes, notamment des transformateurs de verre plat. La première ligne de fabrication de verre plat de la filiale Mediterranean Float Glass (MFG) dégage 70% de volume à l'export sans compter l'arrivée de deux nouvelles lignes dès 2008 et cinq d'ici 2015. Issad Rebrab soutient : « Pour accompagner nos exportations, il faut s'installer dans les pays développés. » La même stratégie d'internationalisation sera poursuivie en direction des marchés du Sud (Afrique et monde arabe). « Actuellement, nous maîtrisons la technologie et l'exploitation des raffineries d'huiles et de sucre. C'est un atout pour aller investir avec des partenaires africains, notamment dans le cadre du Nepad », a-t-il soutenu.