Abderraouf, un bébé de 28 mois, enlevé lundi dernier à Beni Tamou, wilaya de Blida, a été libéré mardi soir par les gendarmes à Hammam Righa, wilaya de Aïn Defla. Après deux jours de séquestration par une bande qui se faisait passer pour Al Qaïda, le bébé a été remis à ses parents. La fin d'une tragédie qui a mis en émoi toute une ville et qui interpelle la collectivité sur le phénomène des enlèvements. La famille de Abderraouf n'oubliera pas de sitôt cet effroyable cauchemar. Tout a commencé lundi dernier, lorsque le père de Abderraouf, un industriel de Tizi Ouzou, est venu (avec son épouse et son fils) rendre visite à sa belle-famille à Beni Tamou. L'enfant jouait avec son oncle et, subitement, il a disparu. Après des recherches infructueuses, la famille a déposé plainte auprès de la gendarmerie de Blida. Vingt-quatre heures plus tard, la famille reçoit un coup de téléphone anonyme, lui annonçant l'enlèvement de Abderraouf par un groupe d'Al Qaïda. La même voix anonyme rappelle une seconde fois pour exiger une rançon de 5 millions de dinars (500 millions de centimes), contre la libération du bébé. Au troisième appel, la famille accepte de payer et s'entend avec les preneurs d'otage sur un rendez-vous à Hammam Righa où Abderraouf a été transféré. L'enquête des gendarmes aboutit le lendemain à la localisation des ravisseurs, puis leur arrestation dans la nuit de mardi, alors qu'ils étaient sur le point de prendre l'argent. Il s'agit en fait de trois étudiants qui auraient, selon les premiers éléments de l'enquête, agi avec la complicité de l'oncle de Abderraouf. Un soulagement pour les parents, alors que les services de sécurité poursuivent leur enquête pour déterminer s'il y a eu complicité avec les membres d'une famille de Bouchrahil (Médéa) à laquelle les ravisseurs ont confié l'otage. Cette affaire a provoqué une véritable psychose chez la population d'autant que le phénomène des enlèvements a tendance à prendre de l'ampleur. En Kabylie, les rapts constituent une des principales sources de financement des terroristes. Une cinquantaine de commerçants et industriels ont été victimes de ces actes et n'ont pu être libérés qu'après paiement de fortes sommes. Le premier qui a utilisé ce procédé a été Abderrazak Al Para. Il avait enlevé l'ex-sénateur du tiers présidentiel, Mohamed Bédiar, en juillet 2003, et ce n'est qu'après paiement d'une somme de 30 millions de dinars (3 milliards de centimes), qu'il a été relâché. L'opération sera rééditée avec l'enlèvement des touristes allemands dont la libération en juillet 2004 a coûté au gouvernement allemand 5 millions d'euros. Les enlèvements suivis de demandes de rançon s'érigent par la suite en source de financement pour le GSPC, notamment dans la région de Kabylie où une cinquantaine d'industriels et de commerçants ont fait l'objet de rapt. Parmi ces derniers, Meziane Haddad, un des frères de l'entrepreneur dans les travaux publics qui, selon des sources sécuritaires, a dû payer aux terroristes 250 millions de dinars (soit 25 milliards de centimes), pour retrouver sa liberté. Deux récents cas d'enlèvement concernent ceux d'un fonctionnaire égyptien travaillant pour une filiale d'Orascom, qui est resté plus de trois mois entre les mains des terroristes. Ces derniers ont réclamé une somme de 10 millions d'euros pour sa libération, mais par principe ni la société ni la famille de l'otage n'ont accepté de se plier aux exigences des ravisseurs. Il aura fallu simuler des négociations pour gagner du temps et amener les terroristes à déplacer l'otage de la région de Guergour au sud de Tizi Ouzou, vers Sidi Ali Bounab, afin de faciliter une intervention pour sa libération. Ce qui a été fait, il y a quelques jours seulement. Durant cette période, un émigré a été également enlevé puis relâché contre le paiement par sa famille de 3,5 millions de dinars (350 millions de centimes). Les terroristes avaient exigé 10 millions de dinars, mais ont fini par accepter la somme remise par la famille. Selon des sources sécuritaires, durant les deux dernières années, le nombre mensuel de rapts suivis de rançons, est passé d'une moyenne de 5 à 10 à un taux de 15 à 20 et les régions les plus touchées restent Boumerdès et Tizi Ouzou, qui enregistrent une moyenne de 15 kidnappings par mois : 5 pour Boumerdès et 10 pour Tizi Ouzou. Des sommes colossales ont été collectées grâce à ces pratiques. Celles-ci sont en train de faire des émules parmi les groupes de délinquants. Des sources sécuritaires expliquent que « les enlèvements commis dans le cadre du banditisme finissent souvent par être déjoués. Leurs auteurs font beaucoup d'erreurs et sont, dans la majorité des cas, arrêtés avant même qu'ils ne commencent à dépenser leur argent. Les montants exigés sont bas par rapport à ceux réclamés par les terroristes. Souvent, il y a une complicité avec un proche ». C'est le cas récent qu'a vécu la famille de Abderraouf.