Les personnages du roman de Mehdi Mariamine A la recherche de Fatma sont tous en quête de quelque chose. En quête d'une histoire, de leur histoire, intime ou partagée. L'auteur leur ouvre des pistes, les éclaire par endroits, les précède ou les suit respectueusement, leur donne quelquefois la main, mais s'assure toujours à ce qu'ils restent autonomes dans leur destin, il les couve de sa plume mais ne les étouffe pas. Très souvent, ils lui échappent, très souvent, il est leur complice. Leur témoin privilégié. Leur porte-parole. La passerelle est toujours active, jamais censurée grâce à une plume qui se refuse de faire dans l'esthétisme à tout prix au détriment d'amers et indicibles constats. Mariamine ne maquille pas le fait, il le raconte à travers des sentiments, dans ses cris du cœur, ses révoltes et ses partis pris d'écrivain gavé de terroir. Mariamine raconte l'itinéraire de Zinou, mais n'oublie pas de dire qu'un itinéraire c'est aussi des bouts de hasard qui font une vie. C'est le doux absolu et l'amer indéterminé. Il suit pas à pas le destin mouvementé d'un héros (qui cherche à se réapproprier son destin d'homme spolié de son nom) mais n'oublie pas d'avertir – sans donner de leçon – qu'une vie c'est beaucoup plus compliqué que ça. Il n'y a pas de manichéisme dans A la recherche de Fatma, il y a de l'écoute et surtout une forte envie de rendre cette écoute « audible » dans ses parties nobles et ses quartiers mesquins. Le sentiment de reconquête de l'amour est constant, l'amour dans ses déclinaisons multiples, déroutantes, ses revers, ses imbroglios. Précis dans la description des noms, des lieux et des itinéraires, l'auteur, inspiré de « l'autre côté de la rive », raconte avec un style dépouillé les idylles contrariées des gens du petit peuple qu'il a rencontrés. Il place au premier rang les gens d'extraction modeste d'Agawa parce qu'il sait qu'ils sont l'humus de son inspiration. Il les place haut tout en refusant de les magnifier dans cette œuvre témoin. Peu porté sur l'emphase et la phrase ampoulée, Mehdi opte pour un style d'écriture où l'essentiel de la trame contée repose sur le dialogue. Un dialogue vif qui emprunte assez souvent son empreinte du livre policier. Il y a du rythme dans des phrases courtes pour que le lecteur ne décroche pas. Au final de ce roman de 140 pages édité à Dar El Adib, Oran, il y a des passages émouvants et des instants repères où l'on retient avec aise les moments-clés de ces tranches de vie instantanée de l'humain dans ses dimensions nobles et ses faces pourries. Le style, alerte de bout en bout, est gorgé de mots du cru et de formules immédiatement opérantes. En quelques mots, Zinou, c'est le pas à pas d'une histoire individuelle, mais c'est aussi, par extension, l'épopée de toute une génération post-indépendance ayant appris avec le temps et les épreuves du temps que « l'amour et la haine sont le fruit d'un même arbre ». Mehdi a su rendre cette atmosphère, simplement. Une atmosphère qu'on peut trouver aussi bien du côté de Beni Saf cadre spatio-temporel du récit romanesque que partout ailleurs. L'intérêt du livre, c'est aussi cela. Le sentiment, ça n'a pas de limite géographique. La localité de Agawa peut être placée dans n'importe quelle région du globe. Elle est un point d'appui, prétexte pour que l'homme puisse s'exprimer, se dire, dans ses tourments, ses non-dits, ses préjugés, ses amours et ses haines dans ce livre qui peut aisément s'apparenter au roman historique. Il y a de l'histoire et de la mémoire. C'est important pour l'écriture.