A 345 m du niveau de la mer, le Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique pointe le nez vers un horizon bleu. Implanté sur le rocher de Bouzaréah, à Alger, le centre écoute la Terre et regarde le ciel. Dr Nassim Seghouani, chef de département en astronomie et astrophysique, répond à nos questions. Quelle est la part de la Lune dans la recherche scientifique du CRAAG ? Elle n'occupe actuellement pas beaucoup de place. Il faut reconnaître que nous la connaissons relativement bien. L'intérêt est aujourd'hui concentré sur la découverte de nouvelles planètes dites exoplanètes, mais aussi la sismologie des étoiles, la cosmologie … Cependant, elle reste permanente dans nos esprits dans la mesure où notre calendrier hégirien est un calendrier lunaire, plus précis que le calendrier solaire et que toutes nos pratiques religieuses se font en fonction de la lune et sa visibilité. Justement, qu'avez-vous observé la veille du 1er jour du Ramadhan ? En fait, nous n'observons plus la Lune. Nous pouvons établir toutes ses positions par calcul et à l'avance avec une erreur de quelques secondes d'ici à 40 ans. De plus, lors des précédentes missions d'Apollo, on a placardé des réflecteurs sur la lune, comme de grands miroirs, et tous les jours il y a des tirs de la Terre à la Lune . Ces tirs ont permis de constater que les calculs de prévision concernant la Lune étaient justes et précis. Vous êtes membres du comité scientifique qui décide du 1er jour du mois lunaire de Ramadhan. Quel est votre poids dans la prise de décision ? C'est un avis. Aujourd'hui l'aspect scientifique a beaucoup évolué mais en même temps nous avons beaucoup perdu. Je m'explique : la science évolue mais en même temps il n'existe plus beaucoup d'Arabes qui connaissent le ciel et ses étoiles et qui puissent repérer un croissant. Il peut arriver que nous ne soyons pas d'accord avec la date décrétée par le ministère des Affaires religieuses. Cette année et l'année dernière, la date a été consensuellement admise par les membres du comité. Sur quoi se base le ministère des Affaires religieuses pour opposer une date différente ? Sur des témoignages et justement, il n'y en a pas eu. Pour le corps scientifique que nous sommes, c'est difficile à comprendre car, pour témoigner, il faut être sûr et peu nombreux sont les gens capables de voir la lune lorsqu'elle n'est encore qu'un cheveu. Cela implique qu'il faut aussi savoir quand regarder et où. Cependant, les témoignages sont vérifiés mais il faut reconnaître qu'ils pèsent parfois plus que nos calculs. Cela est-il préjudiciable aux scientifiques ? C'est un peu dommage du fait que différents Etats de la planète décrètent un jour de l'Aïd différent de celui du voisin. Cela aboutit à vider de sa consistance le calendrier hégirien, et travailler sur sa base avec des collègues syriens ou jordaniens devient impossible. Cependant, il ne s'agit pas non plus de surmédiatiser ce problème car j'ai pu constater que cela ajoutait à la tension.