C'est à partir de 22 heures, chaque soir après la prière de « taraouih », depuis le début de ramadhan, que les véhicules de toutes marques, de toutes puissances, de tous types, à tous les prix, pour tous les goûts et (presque) pour toutes les bourses se mettent à affluer de toute part vers ce marché éminemment informel de l'automobile. En peu de temps, toutes les rues et ruelles sont occupées autour de ce qui fut jadis un jardin. On stationne comme on peut, comme on veut, dans tous les sens. La moindre petite place est squattée dans le mépris royal des usagers de la route. La circulation devient un véritable casse-tête dans un tohu-bohu provoqué par la cacophonie des klaxons rageurs. Les fauteuils des cafés qui ont proliféré autour du souk sont littéralement pris d'assaut par une multitude de badauds, de courtiers amateurs et occasionnels et de quelques acheteurs à la recherche de la bonne occasion. Il y a même un cafetier ambulant qui vient, lui aussi, chaque soir, déplier une natte en plastique sur la terre battue et proposer le thé confectionné selon la recette des gens du Sud du pays, apparemment très prisé pour le goût particulier que lui reconnaissent de nombreux connaisseurs. Beaucoup de clients n'hésitent à pas à s'accroupir à même le sol pour siroter le breuvage considéré comme étant de meilleur goût que celui des cafés. Le marché de véhicules semble être plus un endroit pour passer le temps, propice à la digestion, qu'un lieu où sont réalisées des affaires. Prendre contact Les gens, par vagues successives, arpentent les rues, passant en revue les véhicules en stationnement. On s'arrête pour s'informer sur le prix demandé, on demande parfois au propriétaire de soulever le capot, on regarde à l'intérieur et puis on se dirige vers un autre véhicule, sans prendre de décision. Selon un courtier, qui affirme avoir plusieurs voitures « sous la main », très peu de ventes ont été réalisées depuis le début de ramadhan. On pèse, on soupèse, on compare, on étudie le rapport qualité prix, mais sans conclure. Quoi qu'il en soit, même quand deux parties se mettent d'accord sur le principe, on prend rendez-vous pour le lendemain. La nuit n'est faite que pour prendre contact. L'affaire ne peut se réaliser qu'à la lumière du jour, qui permet une vérification rigoureuse du véhicule qui aura intéressé l'acheteur potentiel. Le courtier que nous avons approché n'a pas manqué de nous mettre en garde contre les risques d'arnaques latents, appuyant ses propos par des exemples de véhicules volés, vendus avec de faux papiers. Quoi qu'il en soit, de jour comme de nuit, le marché de voitures des Castors semble avoir encore de beaux jours devant lui.