Les professionnels de l'information et de la communication ont dû être édifiés depuis hier : les pouvoirs publics ne comptent pas consentir l'effort de libérer ce secteur des pesanteurs officielles. En examinant hier l'état plutôt chiffré des médias en Algérie, le président Bouteflika a confirmé à travers ses directives que le changement se fera dans la continuité… Ni le statut du journaliste ni le code de l'information et encore moins l'ouverture de l'audiovisuel à l'investissement privé ne semblent faire partie de ses centres d'intérêt. Dans ce secteur où tout reste à faire, le Président s'est limité à des recommandations sommaires qui ressemblent plus à une phraséologie de circonstances. Ainsi, a-t-il exhorté les « responsables à s'atteler à l'élaboration et/ou à la révision des textes relatifs aux dispositifs réglementaires qui encadrent le secteur… » Cette formule générique offre ce confort de pouvoir rester dans le vague tout en faisant miroiter des réformes que le secteur attend depuis plus d'une décennie. Le président fait cependant exception à la publicité dont il appelle « à la vérification et la régulation du marché (…) ainsi que celui de la diffusion. » Il est vrai que l'argent est le nerf de la guerre de l'information et de la communication tant la manne officielle sert de moyen infaillible pour « réguler » politiquement les journaux. Le discours de « relance » du président de la République sonne le déjà entendu. Depuis au moins une décade qu'on parle de réformer le code de l'information et d'instituer un statut aux journalistes, en vain. La petite lueur entrouverte par El Hachemi Djiar qui a fait l'effort de réunir les professionnels des médias pour réfléchir sur les chantiers du secteur a fini par s'éteindre à son départ. Abderrachid Boukerzaza, qui a fait toute sa carrière dans le mouvement associatif, fait table rase du travail effectué par son prédécesseur. La vraie mission d'un ministre Comme il fallait s'y attendre, le nouveau ministre est revenu à la « mission de base » de ce ministère, à savoir la gestion politique et économique des médias publics. Quid du privé ? M. Boukerzaza n'en fait même pas allusion dans ses déclarations. Récemment, il avait organisé un conclave avec les patrons des seuls médias publics pour parler, entre autres, du statut des journalistes… Comme quoi ce genre de thèmes est très sensible pour les laisser à la portée des journalistes du secteur privé. Il est loisible en tout cas de noter que le nouveau ministre n'a d'yeux que pour les médias publics en faveur desquels l'Etat, avait-il promis, « est déterminé à tout mettre en œuvre pour réussir le pari de la modernisation et de la crédibilité ». C'est à peu près la même préoccupation exprimée hier par Bouteflika en mettant l'accent sur « le développement de la communication institutionnelle afin d'assurer la fluidité de la circulation de l'information, à la modernisation de la gestion et de l'organisation des médias publics ». C'est dire que Bouteflika a trouvé l'homme qu'il faut — Boukerzaza — à la place qu'il faut. Le secteur de la presse et de l'information est, tout compte fait, juste bon à répercuter les orientations politiques des décideurs. Il est d'ailleurs significatif de noter que les journalistes, ceux du secteur public surtout, ne tirent pas forcément profit des réformes annoncées, mais surtout des milliards de centimes engrangés par leurs entreprises. Et c'est apparemment la seule vraie mission d'un ministre de la Communication sous Bouteflika, à savoir entretenir le statu quo dans un secteur qui cherche plutôt un statut pour les journalistes. En démocratie, cela est tellement facile…