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Un goût d'inachevé
Publié dans El Watan le 04 - 10 - 2007


C'est une vérité patente de dire qu'il est difficile, voire impossible, pour la chaîne unique de télévision nationale de satisfaire tous les goûts des téléspectateurs algériens. On peut apprécier tel genre musical et pas un autre, avoir un penchant pour un genre cinématographique, aimer les documentaires à la place des émissions de variétés, être mordu de sport ou de politique... Le téléspectateur est, en fait, multiple mais constant et intransigeant à la fois dans ses choix, c'est ce qui rend la tâche encore plus ardue pour les responsables de la programmation qui doivent faire une drôle de gymnastique pour contenter le plus grand nombre, particulièrement en ce mois de Ramadhan, rendez-vous de toutes les attentes et sûrement de toutes les appréhensions. La grille “special Ramadhan” devient par la force des choses une sorte de challenge-couperet pour les réalisateurs et les producteurs qui ont le mérite (ou la chance) de voir leurs produits retenus mais qui, en même temps, sont tenus de mettre leur réputation en jeu. Si une émission quelconque est foncièrement mauvaise, c'est forcément son auteur qui est automatiquement discrédité, descendu en flèche par la vox populi. Mais encore faut-il que l'émission en question fasse l'unanimité sur sa... nullité. Ce cas d'espèce existe-t-il à cent pour cent ? Difficile de le penser sachant que dans le tas, il y a toujours quelques atypiques qui benoîtement trouvent des choses intéressantes aux navets les plus désolants. C'est leur façon d'apprécier le produit télévisuel, il faut la respecter. Mais selon les spécialistes de la communication, cette catégorie de spectateurs est aujourd'hui réduite à une peau de chagrin, elle est disent-ils complètement distancée par celle qui a appris à ne plus rester passive devant le petit écran. Le zapping venant à la rescousse de l'inertie, et ouvrant par voie de conséquence très large l'horizon de la critique en comparaison avec ce qui se réalise ailleurs, c'est donc ce public de plus en plus averti et sur ses gardes qui est devenu un redoutable adversaire de la médiocrité, autrement dit un sujet qu'il faut absolument convaincre par le travail technique accompli dans les normes universelles, le talent, la perfection... Des critères qui reviennent rarement dans les propos de la grande masse des téléspectateurs quand les productions nationales sont soumises à la critique. En fait, il y a toujours une fausse note au niveau de ces dernières qui rend incomplète la partition. L'exemple du feuilleton Mawid maâ el kadar qui passe pour être le produit le mieux élaboré techniquement, la création qui est créditée de la meilleure audience, est là pour montrer qu'il manque hélas à nos réalisateurs ce petit quelque chose dans la finition pour être au top. De menus détails qui témoignent de leur incroyable paresse à aller au bout de leur oeuvre, laissant fatalement un goût d'inachevé à une entreprise culturelle montée souvent à grands frais et dans des conditions pas toujours idéales. Cette série ramadhanesque qui a réussi à instaurer intrigue et suspense au grand bonheur des téléspectateurs friands de ces atmosphères à retournement a malheureusement été déstabilisée par des “invraisemblances” qui ont fait tiquer le public. Le médecin, acteur principal du film qui retrouve par hasard sa fille (une vision divine), un voyou qui se ballade dans un hôpital pour aller commettre tranquillement son forfait, une complice de meurtre par préméditation qui évite les poursuites judiciaires sur le seul pardon de la victime, et d'autres anomalies encore laissent admettre que le scénario a manqué de perspicacité et de clairvoyance. Il s'agit certes d'une fiction qui laisse au cinéma la liberté de planter son décor, mais il y a des limites qu'il ne faut pas dépasser au risque de dénaturer le réel, le vécu de tout un chacun, de ce téléspectateur justement qui ne vit pas dans une autre planète. Et si on ajoute le gros handicap à trouver pour nos films un langage cohérent entre le parler de tous les jours et l'arabe classique, un langage accessible qui doit rendre harmonieuse la communication, on conclura que parfois, au lieu de s'extasier devant une oeuvre qui fait de l'effet parce qu'il n'y a pas mieux à côté, nos créateurs feraient mieux de s'attaquer à tous ces petits défauts qui les uns conjugués aux autres ne font pas avancer le secteur de l'audiovisuel dans notre pays. Si la série reine n'échappe pas à la critique, que dire alors de Bla Zaâf, la caméra cachée de substitution qui verse dans un délire de médiocrité à couper l'envie de terminer votre chorba. Du n'importe quoi dans une cacophonie indescriptible qui confirme l'énorme retard pris en Algérie dans le domaine de la téléréalité. Un genre très en vogue dans le monde mais qui obéit à des règles de réalisation très particulières, des principes techniques et une direction d'acteurs millimétrée. Quand chez nous on confond cette tendance télévisuelle qui fait grimper les audimats des plus grandes chaînes européennes avec... option fourre-tout, on se demande si on doit en rire ou en pleurer.

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