Que pensent les Algériens de leur télé ? Voilà une question que les responsables de l'Unique devraient poser plus souvent à leurs téléspectateurs.Vous avez une opinion là-dessus ? Personne n'en doute, et on devine même de quoi il s'agit grosso modo. Quand on répond avec une spontanéité étourdissante :" La télé algérienne ? vous rigolez ou quoi ! Mais il n'y a rien...(maquane oualou)", faut-il encore solliciter les services d'un organisme spécialisé dans les sondages pour connaître le sentiment de nos compatriotes envers la boîte à images nationale ? Dans le RIEN, on aura tout dit, tout dévoilé n'est-ce pas ? Puis pourquoi l'appelle-t-on si affectueusement l'Unique si ce n'est pour la différencier des autres, de ses rivales de l'autre rive qui lui dament le pion à longueur d'année, parfois en jouant simplement sur les artifices et les futilités. Au-delà de la dérision qui peut être caustique et féroce, notre télé a besoin de se remettre en cause, en faisant son autocritique et en allant chercher, à l'extérieur, les motifs de son faible rayonnement. Pour cela, il est vital pour elle de connaître les goûts et les tendances de ses téléspectateurs auxquels sont destinés les programmes. Généralement, on part du principe qu'il n' y a pas un téléspectateur standard mais plusieurs types de consommateurs avec, chacun, une préférence particulière. De ce fait, pour s'en sortir, la meilleure manière reste autant que faire se peut de répondre consensuellement à la demande. C'est le propre, diriez-vous, de toutes les chaînes de télévision dans le monde, sauf que, chez nous, en voulant trop privilégier les “dosages” pour que chaque Algérien, de quelque région qu'il soit, arrive à se reconnaître dans son petit écran (son miroir), on crée plus de déséquilibres - et évidemment de frustration - que l'on n'en réduit. Exemple : dans une émission consacrée à la chanson, le réalisateur, pour faire “passer” son produit, se croit obligé de faire le tour de tous les genres musicaux qui existent dans le pays en prenant le risque de céder la place, au passage, à de faux talents. Les intrus, il faut se les farcir... sous prétexte qu'il y a toujours quelque part une clientèle à l'écoute qu'il ne faut pas négliger, ou oublier. Depuis la nuit des temps, le public a été forgé à cette culture et il est difficile aujourd'hui de communiquer autrement avec lui. C'est peut-être pour cette raison qu'on lui parle plus "d'algérianisation" du programme que de l'amélioration qualitative de celui-ci. Reste à savoir si ce public demeure aussi réceptif qu'avant à ce genre de message. C'est que les temps ont drôlement changé. Le téléspectateur est devenu moins passif, plus exigent, donc plus critique. Il a aussi cette liberté de mouvement de faire systématiquement des comparaisons avec ce qui se passe dans le monde. En se référant bien sûr à ce qui est plus beau, plus grand, plus captivant. Alors lorsqu'on lui parle de la télé algérienne, il commence instinctivement toujours par faire la moue. C'est bizarre d'assister à cette sorte d'aversion épidermique qui nous rappelle une époque où tout ce qui venait de l'étranger était forcément meilleur que la production nationale. On a vécu cela dans le domaine de l'habillement, de l'électroménager, etc. Le produit local était systématiquement dévalorisé, même quand il lui arrivait parfois d'être d'excellente qualité. C'est un peu un esprit retors identique qui se manifeste à propos de l'Unique. Il est clair que tout ce que fait et produit cette dernière n'est pas foncièrement mauvais, mais condamnée à être le réceptacle de toutes les frustrations sociales, culturelles et politiques, elle a beau chercher la performance, que celle-ci lui revient comme un boomerang qui casse tout sur son passage. Que faire pour mériter l'indulgence ? Les Algériens qui aiment passionnément leur télé, quoi qu'on en dise, ont cette solution au bout de la langue : "Il faut rétablir d'abord le droit à l'information et dire la vérité. Quand l'Unique sortira du carcan de l'opacité, tout deviendra plus clair..." L'info est donc visée en premier lieu. Cette profession de foi tombe, cependant, mal avec le silence qui a entouré la maladie du Président.