Après sa dernière prestation à la Sorbonne de Paris en juin dernier, le maître de la musique andalouse Sid Ahmed Serri a gratifié, jeudi soir, le public algérois d'un brillant et mémorable concert à l'auditorium du théâtre de verdure d'Alger. Comme à son accoutumée, Sid Ahmed Serri a su faire salle comble en ce premier jour de week-end. En effet, en dépit de la pluie, les intentionnés de musique andalouse se sont déplacés en masse pour s'enivrer de la voix de velours de cet artiste hors pair. La soirée commence à 22 h sonnantes. Après que les treize musiciens aient pris place, Sid Ahmed Serri fait une apparition triomphante. Avec la classe et le maintien qu'on lui connaît, habillé d'un smoking noir et tenant son instrument entre les mains, l'artiste du haut de ses 81 ans salue chaleureusement son public. Un public qui n'hésitera pas à se lever, applaudir cette figure de proue de la musique andalouse. Les musiciens en question, qui ne sont autres que d'anciens élèves à Serri, dont, entre autres, Noureddine Saoudi, Abdelouaheb Nefil, Brahim Belaredj, Youcef Ouzenadji, sont heureux d'accompagner leur maître. Le programme débute par un prélude (touchia) qui annonce le mode de la nouba Maya. Quand Sid Ahmed aborde de sa voix cristalline sa première chanson, des youyous fusent de partout dans la salle. L'heure est au ravissement et à la sublimation devant les poèmes débités, mettant en évidence la noblesse des sentiments, la poésie courtoise et les louanges à Dieu. La passion du vétéran de la musique andalouse, qu'il met dans chacune de ses chansons, est encore plus éclatante sur scène, surtout quand les arabesques du violon échevelé viennent se mêler à ses solos de « qanoun ». Total respect et communion. Ainsi, plusieurs titres sont proposés, au grand bonheur des uns et des autres, dont des morceaux dans le mouvement « m'ceder » (Chasmi Sanaâ), « btâïhi » (El Houb Zadani Nouhoul), « derdj » (El Birad Amroun Sarib), « khlass » (Kem Y a Ayni). Des « insiraffet » ont également été à l'honneur dont Bi Aâabi min zarani et in djak El Rabir. La première partie du succulent programme s'achève avec une « quaâdrya ». Sid Ahmed Serri poursuit son programme avec un « aroubi » dans le mode « moual ». Les « inkilabet » interprétés sont alors Zarani Mahboub et Kalbi fi El Khalk et Zidi Afrâal ma Ya sourek. Les mélomanes auront droit à du hawzi avec l'incontournable titre Lamet Yahna Khalbi. Cette sublime soirée s'achèvera avec des paroles sacrées en direction du Créateur et ce, à travers de langoureux « medhs » dont, entre autres, Sidi Ya Rassoul El Allah, Ana Abd Miskine et el salat âala nabina. Des voix en sourdine reprennent en chœur certains enchaînements de morceaux musicaux qui rappellent à certains des souvenirs indélébiles. Le concert tire à sa fin vers minuit, non sans la remise d'un bouquet de fleurs au chanteur lyrique Sid Ahmed Serri. Emu et fatigué à la fois d'avoir tenu en haleine l'assistance durant deux heures bien pleines, Sid Ahmed Serri remerciera les présents en leur adressant une phrase lourde de sens : « Je ne sais pas quand je remonterai sur scène. »