Michel Khleifi et Merzak Allouache sont finalement montés sur le podium. Le Palestinien a décroché le grand prix du 6° Festival de Dubaï pour son très beau film Zindeeq et l'Algérien le prix spécial du jury pour Harragas Habile compromis d'un jury présidé par Ahmed Rachedi. Dubaï De notre envoyé spécial La vraie bouffée d'oxygène est venue du cinéma africain qui a tenu la vedette au Festival de Dubaï. C'est la nouvelle génération, post -Sembène et Hondo, qui a investi les rivages du Golfe persique. Une vague africaine de grande qualité, très passionnante, avec un renouveau esthétique et une totale absence de conformisme. A l'image du sidérant chef-d'œuvre : Nous aussi avons marché dans la lune, du cinéaste congolais Balufu Bakupa-Kanyanda (coproduit par le Festival panafricain d'Alger). C'est une œuvre en intimité profonde avec les écrits de deux grands poètes Aimé Cesaire et Tshiakatuba Matala Mukadi. Quelque chose de très important s'est produit au Festival de Dubaï, comme en juillet dernier à Alger, avec la présentation de ce film. Le travail de Balufu Bakupa-Kanyanda, metteur en scène, poète et philosophe nous fait penser à celui de Glauber Rocha. L'un est l'autre ont une démarche unique, originale, très brillante au sein du cinéma africain pour Balufu et latino-américain pour Glauber. Chacun d'eux fait un cinéma d'une élégance absolue, prenant des risques mais gardant l'émotion. A Dubaï, il y avait aussi les films de Dyana Gueye, Mama Keita, Ousmane William Mbaye, Leandre Alain Baker et Jean Marie Téno. Tout à fait surprenant et méritant le premier prix de la section court métrage à Dubaï (en fait, c'est un moyen métrage), Saint-Louis Blues, de Dyana Gueye, emprunte son style au film musical, avec cet aspect « road movie » qui nous libère du cinéma à message. Un peu de joie et de délire ne font pas de mal au cinéma africain. Ramata de Leandre- Alain Baker n'est pas mal non plus, légèrement amoral, subversif dans les rapports d'une dame d'un certain âge avec un délinquant qui pourrait être son fils. Histoire déroutante où il y a un effet boomrang. Mère-Bi : dans lequel Ousmane William Mbaye fait le portrait d'une figure admirable de la presse sénégalaise : Anette Mbaye d'Erneville qui a marqué inexorablement l'histoire des médias au Sénégal et dans tout le continent. Cette grande pionnière n'a jamais eu la langue dans sa poche et sa plume est toujours prête à rebondir chaque fois qu'on touche aux droits de la femme africaine. Il y a toujours mille choses à filmer à travers notre vaste continent, et pourquoi pas un vrai thriller, comme celui de Mama Keita : l'Absence ; ton juste, bonne interprétation, le travail de Mama Keita a été bien accueilli aussi bien à Dubaï qu'au dernier Fespaco de Ouaga. Tout comme l'approche documentaire de Jean Marie Téno dans Lieux Saints (mention spéciale à Dubaï) : virée à Ouaga sur les traces de Bouba, Jules César et Abbo, personnages dans l'air du temps burkinabé et dont on a envie d'avoir de leurs nouvelles aujourd'hui encore. Six cinéastes africains ont débarqué à Dubaï non pas pour faire des affaires mais avec leurs images en bandoulière et le public a marché à tous les coups dans cette passionnante plongée dans l'univers africain si complexe où se côtoient poésie, imaginaire, fantaisie, humour décapant, portraits réels ou inventés. L'Afrique perdue et retrouvée ici, dans ses tensions et ses rires, à l'honneur du Festival de Dubaï sur les rives du Golfe arabo-persique.