Les pays de la bande sahélo-saharienne viennent de reprendre officiellement l'initiative dans le processus de sécurisation de la sous-région, constamment dans la ligne de mire des Etats-Unis ces dernières années. En effet, le déplacement du ministre algérien des Affaires étrangères au Mali, dans le cadre de la réunion de la grande commission mixte entre les deux pays, a abouti, selon la presse malienne, à une décision stratégique : l'organisation d'une rencontre des pays de la bande sahélo-saharienne à Bamako. Ce rendez-vous, qui a été annoncé jeudi dans la foulée des travaux de la commission mixte par le ministre malien des Affaires étrangères, Moctar Ouane, marque en effet un changement de cap de la part de Bamako, surtout dans la façon d'appréhender et de contrer la menace terroriste dans la sous-région. Il n'est désormais plus question de s'embarquer avec armes et bagages dans les contingents US pour sécuriser les frontières de plus de 25 pays composant cet ensemble géographique. Ces pays entendent prendre en charge, solidairement, la sécurité de leur territoire. Une initiative qui s'apparente à un message subliminal aux Etats-Unis qui ne désespèrent pas de pouvoir installer le quartier général de l'Africom dans l'un des pays de la région. Mais après plus de cinq mois de négociations, le Département d'Etat a échoué à trouver un pays qui pourrait « héberger » les troupes nouveau-nées du Pentagone en Afrique. Mis à part le Liberia qui s'est proposé d'accueillir le QG de l'Africom, les pays sahariens se sont donné le mot pour décliner les « avances » des Américains drapés de l'argument commode et à la mode de la lutte contre la nébuleuse d'Al Qaïda. La convocation de cette importante réunion des pays sahélo-sahariens « dans un délai proche », comme l'a précisé le MAE du Mali, confirme la nouvelle stratégie de ce pays à refuser les troupes américaines sur leur territoire. C'est sans doute en désespoir de cause que le couple Pentagone-Département d'Etat qui pilote le projet s'est résolu à installer le QG à Stuttgart, en Allemagne, où est stationné le commandement des forces américaines en Europe (Eucom). Bien que Condolezza Rice ait insisté en avril dernier à Washington dans une conférence de presse qu'il n'était pas opérationnellement efficace ni financièrement rentable de baser l'Africom en Europe, les stratèges US ont dû le fixer au moins jusqu' à fin 2008 à Stuttgart devant le front de refus qui s'est constitué dans la région subsaharienne. Le lobbying d'Alger Sans être partie prenante de cette entité sahélo-saharienne, l'Algérie aura joué un rôle moteur dans la prise de conscience de ces pays quant aux conséquences d'une présence militaire permanente des forces américaines dans la région. Il n'est pas fortuit que la réunion prochaine de la communauté des pays sahélo-sahariens soit annoncée au terme de la visite du ministre algérien des Affaires étrangères au Mali. Son homologue malien ne laisse aucun doute sur les conseils d'Alger à Bamako. « Le Mali et l'Algérie ont renouvelé leur engagement visant à faire de la région sahélo-saharienne un pôle de stabilité et de développement », a-t-il en effet déclaré, précisant que « c'est dans cette optique que s'inscrit l'initiative du président (malien) Amadou Toumani Touré de réunir ici même, à Bamako, dans un délai proche, une conférence sur la sécurité, la paix et le développement dans la région sahélo-saharienne ». C'est une sorte de renvoi d'ascenseur pour « l'appui constant de l'Algérie au Mali (…), son rôle constructif dans la préservation de la paix dans les régions du nord du Mali, notamment à travers son soutien à l'accord d'Alger signé avec les ex-rebelles touareg en 2006 ». Dernièrement encore, l'Algérie a été pour beaucoup dans l'arrêt des hostilités entre l'armée malienne et le chef rebelle touareg de Kidal, Ibrahim Ag Bahanga, qui a rompu la trêve en août dernier. Le fait aussi que durant son séjour à Bamako, M. Medelci soit reçu en audience par Amadou Toumani Touré, et Modibo Sidibé, respectivement Président et Premier ministre de la République du Mali confirme que le « lobbying » algérien dans ce pays a payé. En clair, la présence américaine dans cette région se limiterait au fameux « plan pan-sahel » conçu par le Pentagone, la CIA et le Département d'Etat et que les Marines devraient lever le camp à Stuttgart une fois les opérations terminées comme cela avait été le cas lors du programme Flintlock de 2005 pour lutter contre l'infiltration des éléments d'Al Qaïda dans la sous région sahélo-saharienne.