La suppression de la circulaire Ouyahia de 2004 qui interdit aux déposants publics de placer leurs excédents dans les banques privées a tenu en haleine le microcosme bancaire depuis quatre mois. Selon des informations concordantes, elle est devenue effective la semaine dernière puisque la circulaire aurait été signée jeudi dernier par le chef du gouvernement. Banques publiques et privées ont accès à la même épargne nationale et au même marché monétaire. C'est la privatisation du CPA qui a rendu plus urgente cette levée d'interdiction. La cession de 51% du capital de la première banque du pays par le réseau, prévue au premier trimestre de 2007, a glissé sur le calendrier tout au long de l'année. Les offres des cinq prétendants étrangers à la reprise du CPA n'étaient pas encore déposées à la mi-octobre. Un retard imputé par de nombreux intervenants à l'ambiguïté maintenue durant tout l'été par le gouvernement algérien au sujet de la levée de la circulaire Ouyahia. Annoncée pour imminente en juin dernier près du bureau du chef du gouvernement, elle n'était toujours pas effective selon la direction de la communication de la Banque d'Algérie à la veille de l'Aïd. L'ancien ministre des Finances, conseiller économique à la présidence de la République, Abdellatif Benachenhou, s'est alors fondu d'une contribution dans El Watan la semaine dernière pour assurer les investisseurs étrangers de la résolution du gouvernement algérien à rétablir un fonctionnement normal de la sphère bancaire, et pour saluer la mesure et ses auteurs. « C'est une explication a posteriori des difficultés qu'a rencontrées la levée de cette mesure. Elle a connu de grosses hésitations, car l'impact de l'affaire Khalifa est encore très fort chez les décideurs qui ont peur de ne pas pouvoir faire face à une autre faillite frauduleuse parmi les banques privées importantes », explique Mahmoud Mellouli, expert financier. L'ajustement en question devrait toutefois prendre du temps, car les conseils d'administration des entreprises et organismes publics prendront toutes les précautions réglementaires avant de voter à nouveau des dépôts auprès de banques privées, aussi bien notées soient-elles. Syndrome Khalifa encore une fois. Un ajustement des dépôts entre publics et privés attendu Les avis sont toutefois partagés sur les incidences de la levée de la circulaire Ouyahia. Son premier effet a été souligné par Abdellatif Benachenhou : elle permet de boucler la privatisation du CPA. Ce qui n'est pas la plus mince des conséquences. En effet, tout le monde s'accorde à noter la faiblesse du capital social des banques privées incapables d'accompagner les besoins de financement de l'économie algérienne. « La venue du CPA dans le giron du privé devrait chambouler la donne, car pour la première fois, on disposera d'une banque de la taille des banques publiques avec un management privé et une orientation des engagements guidés par la rentabilité du marché », affirme M. Mellouli. Les banques privées sont bien sûr les premières à se féliciter du recouvrement de la possibilité pour elles d'accueillir des déposants publics. Y aura-t-il pour autant une migration des dépôts des banques publiques vers les banques privées dans les mois qui viennent ? « Il faut s'attendre à un ajustement. Les banques publiques souffrent d'un niveau élevé des dépôts par rapport à leurs engagements. En somme, elles doivent payer beaucoup d'intérêts à leurs clients déposants, mais n'encaissent pas assez de revenus des intérêts par la faute d'un niveau faible du crédit. C'est un peu le scénario inverse pour les banques privées qui ne disposent ni de fonds propres ni de dépôts suffisants pour développer à large échelle leurs engagements avec leurs clients, généralement de nouveaux investisseurs dynamiques. » Le cas le plus connu est bien sûr celui de la CNEP qui cumule plus de 1000 milliards de dinars de dépôts rémunérés pour moins de 200 milliards de dinars de crédits aux clients. « Le risque investissement ne sera pas mieux pris en charge » Les incidences de la levée de la circulaire Ouyahia sur l'essor de l'investissement privé dans les mois qui viennent sont elles par contre plus hypothétiques. L'accès au crédit bancaire pour les PME, jugé comme le véritable talon d'Achille de la croissance algérienne, n'est pas certain de bénéficier rapidement d'un changement de climat. Pour Mohamed Ghernaout, consultant international et auteur de plusieurs livres sur la banque, « le problème du financement bancaire des PME n'est pas univoque. Les PME algériennes ont leur part de responsabilité, elles manquent de transparence ». Il faut donc en comprendre que le passage à une part de marché du crédit plus importante pour les banques privées attendues dans l'avenir ne garantit par un financement plus fluide des PME. « Il faut faire ici la part des métiers. L'engagement avec les PME qui démarrent ou qui veulent grandir est le travail du capital investissement, pas celui des banques qui n'ont pas vocation à assumer le risque investissement. Il existe une loi sur les fonds d'investissement en Algérie qui attend depuis un an les textes d'application. Nous avons pris un retard considérable dans ce domaine. Les Tunisiens tournent avec une quarantaine de sociétés de capital d'investissement, les Marocains en ont une dizaine, rien en Algérie. Il ne faut pas trop attendre des banques privées de ce côté-là. » Le décollage de l'investissement privé « qui marche au rythme des fonds propres des PME », soulignait la semaine dernière dans ce supplément économique, Saïd Ighilahriz, expert conjoncturiste, n'est donc pas garanti par un simple « ajustement » du mouvement des dépôts que va autoriser, désormais, la liberté de déposer indifféremment chez une banque publique ou privée pour les entreprises et organismes publics. « Le financement de l'économie s'est enlevé un boulet du pied, c'est tout. Il ne s'est pas inventé un turbo avec ce simple retour à la normale », résume M. Mellouli.